Tribune libre de Marc La Mola – Aulnay-sous-Bois : Bravure … Bavoure … Non Bavure tout simplement !

Publié le 6 février 2017 à  21h40 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h45

Ils étaient quatre, quatre policiers d’une unité dite spécialisée, la Brigade Spécialisée de Terrain (BST). Encore une brigade sortie des têtes pensantes n’ayant jamais mis les pieds sur le terrain. Porteurs de combinaisons noires et d’armement sophistiqué ils pensaient renouer le dialogue avec les cités et une population les considérant déjà comme illégitimes tant ils avaient abandonné ces secteurs, tant ils se comportaient comme une bande rivale et non comme une force de police régalienne.

Destimed arton6572

Ces quatre flics interpellaient un jeune homme à la suite d’un contrôle d’identité, sous les yeux électroniques d’une caméra pour une fois peut-être efficace. Ce que l’on y voit n’est pas réellement clair, les gestes de chaque policier sont confus et même si l’on n’y voit pas l’un des leurs placer une matraque dans l’anus de l’interpellé, les faits sont là : ce jeune homme a été opéré pour une fissure anale de plus de 10 centimètres, blessure consécutive de son interpellation. Le colon a été atteint et une poche anale a dû lui être placée …

J’ai moi-même travaillé de longues années dans des quartiers difficiles et même si je ne portais pas de combinaison noire, de cagoule et ne plaçais pas mon pistolet sur ma cuisse, j’avais affaire à une délinquance déterminée et violente ne voyant en nous que des empêcheurs de tourner en rond et ne rêvant que d’une chose, celle de nous voir chuter physiquement ou judiciairement. Tous les moyens étaient bons … C’est un peu la règle dans ces quartiers où l’État a déserté et a laissé implicitement les quelques fonctionnaires débiles ou naïfs voire idéalistes aller se faire caillasser et parfois se mettre dans des situations, à l’instar de celle d’Aulnay-sous-bois, desquelles ils auront beaucoup de mal de s’extirper.
Mais, dans cette affaire, il faut voir autre chose, il faut avoir une vision transversale de la situation afin de comprendre les évolutions de cette «nouvelle» police que je n’aime pas, une police dont l’origine même est née dans les méandres des têtes tordues des staffs de messieurs Sarkozy puis Valls, insufflée par celui qui murmura respectivement à leurs oreilles : Alain Bauer, fossoyeur de la police Républicaine.
Auto-proclamés parangons d’une police efficace dans laquelle la référence n’était que la mesure de la performance par l’interpellation, ces deux ex-ministres de l’Intérieur ont ravagé la police que j’ai connue qui, même si elle n’était pas parfaite, ne ressemblait en rien à celle que nous avons aujourd’hui. Le tout répressif était devenu le seul mode de fonctionnement, la politique du chiffre et le versement de primes au résultat puis au mérite allaient faire s’effondrer les ruines d’une police Républicaine qui n’avait semble t-il plus sa place dans notre «nouvelle» société.
Je n’avais donc plus ma place dans la police …

Mais, il est intéressant aujourd’hui de comprendre ces effectifs de police et leur mode de fonctionnement. Il est encore intéressant de savoir qu’aujourd’hui les gens de ma génération quittent la police par vagues ressemblant plus à des tsunamis qu’au doux ressac de la plage du Prado et il paraît encore intéressant d’apprendre que bon nombre de flics «anciens» sombrent dans des dépressions nerveuses engendrant trop souvent des suicides. L’origine du mal ou plutôt des maux car ils sont pléthoriques ne se trouvent pas que dans cette politique dévastatrice mais plus simplement dans un formatage des esprits de ces nouveaux flics motivés uniquement par un management stupide étant devenu basique dans cette institution à la dérive.

Jadis on devenait flic pour servir, aujourd’hui ils le deviennent pour échapper à un monde du travail difficile et pour bénéficier d’une supposée sécurité de l’emploi. Ils ignorent que la seule sécurité dont ils bénéficieront est celle d’être une chair à canon que les responsables politiques vont utiliser, instrumentaliser pour assurer leur carrière en faisant fi des réels besoins de la société.

Ils iront au charbon dans des lieux où plus personne ne veut mettre les pieds et essuyer les plâtres d’une politique de l’immigration, de l’intégration et du vivre ensemble ayant échoué lamentablement en créant de fait de véritables ghettos où casser du flic est devenu le sport le plus pratiqué. Mais aujourd’hui ce ne sont pas des flics qui sont cramés dans des voitures mais plutôt un jeune homme sodomisé par une matraque tendue au bout d’un bras policier !
Excusez du peu mais pour justifier cela va falloir se lever tôt !

Mais il faut s’interroger encore sur les méthodes de ces policiers que l’on a pu voir, par caméra interposée, maîtriser un jeune homme au sol. Nul doute qu’intervenir là est extrêmement compliqué, que les missions de ces flics sont délicates et périlleuses mais il faudrait écarter les os pariétaux des flics intervenants pour chercher dans leurs cerveaux, trop souvent immatures, les raisons de cette violence usée lors de l’interpellation concernée.

Je l’ai sous-entendu ci-dessus, les anciens ont déserté les rangs de la police ou au moins les rangs des effectifs de terrain. Pour résumer la sagesse n’est plus ! Fuyant une rue bien trop difficile les anciens sont partis dans des bureaux, dans des postes planqués ou tout au moins bien moins exposés et les gosses sont restés sans adultes pour les encadrer dans une cour de récréation ressemblant plus à une fosse aux lions qu’à une cour de maternelle.
Il faut savoir que certains commissariats comptent plus de 80 % de policiers ayant moins de trois ans de «boutique» et ce phénomène est encore plus flagrant en région Parisienne … Effarant !

Ces jeunes flics ne sont pas aptes à gérer de telles situations. Interprétant chaque geste, mimiques ou regard comme une provocation. Leur comportement est celui d’une bande rivale légitimant la violence sous prétexte d’appartenir à une force de police. De plus leur hiérarchie, qui brillera par son absence à leur procès, les pousse explicitement à faire ce type d’interpellation.

Même si depuis cinq ans, j’ai l’impression de prêcher dans le désert je continue à affirmer que la politique du chiffre et la mesure de la performance par l’interpellation demeure un véritable cancer pour une telle institution. Il est bien évident que modeler des cerveaux malléables de jeunes gens influençables est une rigolade pour des officiers et commissaires eux-mêmes à peine plus futés que les gamins qu’ils dirigent.
Et puis merde après tout tant que les primes au résultat tombent dans les poches et que les carrières se déroulent sans embûches ! Cela vaut bien quelques dommages collatéraux commis par des chiens fous non ?

Mais revenons à ce jeune homme blessé de cette manière si violente et si humiliante.
Rien, je dis dis bien rien ne pourra justifier de tels actes même pas et surtout pas la maladresse et encore moins le hasard d’une glissade, même pas l’accident comme l’affirment tant de personnes déambulant aux services des urgences avec une carotte ou autre objet phallique ainsi positionné. Rien ne pourra faire oublier à ce jeune homme cette interpellation même pas un éventuel mea culpa ou autres excuses de ces jeunes flics motivés par je ne sais trop quoi.

Mais ne vous méprenez pas en lisant mes humbles lignes, c’est bien cette police qui est censée vous protéger et même si je n’accuse pas l’ensemble des effectifs je me permets de rappeler que c’est encore cette police qui m’a implicitement désigné la sortie. Même si je n’ai aujourd’hui aucune rancœur et encore moins un besoin de revanche je contemple avec désespoir le spectacle que cette police nous joue au quotidien et me félicite de ne plus être des leurs.
Car voyez-vous pour être tout à fait honnête, je dois dire que je n’ai pas été un flic exemplaire ou du moins aussi exemplaire que le flic qui est dépeint dans les manuels et le code de déontologie. Non voyez vous moi aussi j’ai filé des tartes parfois méritées et souvent éducatives mais toujours mesurées, enfin je crois … Voyez vous moi aussi j’ai œuvré dans ces quartiers où le mot de flic provoque des urticaires et des eczémas mais jamais au grand jamais je n’ai commis de telles choses.

Sans doute mon texte va contrarier les policiers qui me lisent, il va provoquer des interrogations chez les non policiers et irriter ceux qui, convaincus que les flics concernés ont des excuses, me qualifieront de faux-frère et de cracher dans une soupe qui m’a nourri tant d’années. Je leur répondrai que cette soupe est devenue bien indigeste et que telle qu’elle est je ne la mangerai pas !
Allez Français serrez les fesses la police arrive !

Lire aussi de Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]


A propos de Chiffres …
Soufflet …
29 …
Mise à mort …
Légitime déviance
Cannabis… Canebière !

Articles similaires

Aller au contenu principal