Publié le 1 septembre 2017 à 22h28 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Tu rêvais de belles caisses et de jolies fesses
Tu voulais être un caïd, tu n’as même plus de stress(e).
Au milieu des barres et des tours tu as grandi, c’est même ici qu’ils t’ont fini.
Au milieu du béton et de l’enfer gris.
Tu rêvais de belles fesses et de belles caisses
Tu voulais être un caïd, il ne reste que ta mère et son cœur que tu laisses.
Un soir de blues, un soir de déprime j’ai écrit ces quelques mots qui sont devenus le début d’un texte de chanson. Sans doute avais-je lu un article comme celui que je viens de parcourir, qui traite laconiquement de l’assassinat d’un jeune homme de 20 ans dans la cité où j’ai grandi : la Maurelette à Marseille (15e).
Les quartiers Nord, comme disent ceux qui ne connaissent pas notre ville et qui préfèrent parler de quartiers plutôt que d’un pan entier de la deuxième ville de France, un secteur où tombent trop souvent de jeunes gens sous les feux des armes automatiques.
Ce quartier, j’y ai grandi, j’y ai joué au football, j’y ai même appris à lire et à écrire dans une petite école communale en bordure des terrains de foot. Depuis la cour de récréation je rêvais d’ailleurs, je rêvais de partir pour d’autres horizons, d’autres environnements et pourtant il y faisait bon vivre. Notre seule obsession était le palmarès de l’OM et nos rencontres sur des terrains de gravier pour y jouer au ballon. Pas de drogue, peu de violence et surtout aucune arme même blanche ne venait endeuiller nos journées de football. Mon père était investi dans le club de foot local, ma mère nous regardait grandir au milieu de cette forêt de béton et de bitume. Mon frère était mon mentor, je l’admirais …
Aujourd’hui, je longe, depuis le boulevard Paul Coxe, les abords de la Maurelette. Je ne la reconnais plus, elle m’effraie. Décrépie, insalubre elle n’inspire que la peur et le dégoût … Qu’est elle devenue ? Une cité comme les autres, comme toutes celles des arrondissements du Nord de la ville délaissés, oubliés par les autorités locales et nationales. Alors les trafics s’y développent, ils y fleurissent comme si c’était l’ultime recours à une errance que nul ne semble vouloir enrayer. Alors on y crève à vingt ans, on y est mitraillé comme un chien galeux.
Ils y ont rétabli la peine de mort comme si vivre là n’était déjà pas une petite mort, comme si vivre ici était un luxe. Ils y règlent leurs comptes pour une somme impayée, pour un deal mal effectué ou pour un regard trop appuyé.
Une cité où l’on meurt à vingt ans n’est plus qu’une cité des ombres !
Alors j’ai continué à écrire ma chanson et …
Petit matin clair, léger mistral d’été, une fin annoncée
La culasse vient percuter, le canon crache sa haine, vomit sa saleté
Au milieu des barres et des tours tu as grandi, c’est même ici qu’ils t’ont fini.
Au milieu du béton et de l’enfer gris.
Petit con tu as crevé comme tu as vécu, comme un sale gosse ingénu.
Moi les balles je les ai entendues frapper le sol près du littoral …
Je suis venu …
Mais les mots ne changent rien, à peine peuvent-ils apaiser, mais peut-on apaiser, une mère venant de perdre un enfant dans de telles conditions ? Il l’a cherché diront certains, ils ne méritait pas mieux crieront les autres … Moi je ne dis rien, j’écris et j’ai terminé mon texte ainsi :
Cité sombre, cité des ombres
Tu as crevé sur le littoral, à 20 ans est ce bien moral
Cités des ombres, cités sombres
Tu as crevé sur le littoral … et c’est banal.
Un musicien va mettre ce texte sur une mélodie, il ne changera rien. Ils continueront à tomber sous les balles ou épuisé par la misère de ces quartiers, loin si loin et pourtant si près d’un bord de mer ensoleillé.
Marseille que deviens tu ?
Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris, il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique, il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar reprend du service dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]
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