Publié le 4 juillet 2017 à 22h08 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Si l’on considère que la mort d’une femme délibérément écrasée par un abruti notoire au volant d’une voiture faussement immatriculée n’est pas grand-chose dans une ville où une semaine auparavant une jeune femme était poignardée en plein cœur pour une futilité, nous pouvons continuer à vivre sereinement en pensant que les innombrables caméras de surveillance servent à nous protéger… Mais ce n’est pas mon cas !
Non, je ne suis évidemment pas en accord avec ce que j’ai évoqué et me suis de tout temps insurgé contre une prolifération incontrôlée de caméras dans nos centres urbains. Non pas par pur principe contestataire ou parce que je considère également qu’elles peuvent contribuer à la limitation de nos droits fondamentaux et notamment celui d’aller et de venir où bon nous semble mais seulement parce qu’en tant qu’ancien flic je suis conscient de leurs limites. J’ai travaillé sur ce sujet et en ai fait largement l’écho dans mes ouvrages sans pouvoir esquiver les coups donnés en traître par des puissants désireux de me faire taire. Alors je vais, ici même, en remettre une couche …
De plus, lorsque j’écris un livre ou donne une conférence, je m’efforce d’étayer mes propos et j’ai souvent cité les études Anglaises remettant en cause les dispositifs de télésurveillance mis en place, bien avant les autres, dans les villes Anglaises. Le ministère de l’Intérieur avait même publié une étude préconisant leur retrait. Mais nous, en tant que bon Français, restons fidèle à nos habitudes de donner des leçons à la terre entière sans en prendre de qui ce soit, nous avons donc cru bon de laisser nos villes s’équiper anarchiquement de ces yeux électroniques parfois trop curieux mais trop souvent souffrant de cécité totale, le tout sous la houlette de notre ministre de l’Intérieur à vie Manuel Valls auquel monsieur Alain Bauer susurrait à l’oreille une privatisation de la sécurité dans laquelle ce dernier s’assurait une place de choix.
Le phénomène de mode, oui parce que cela en est un, ne cesse pour le moment de progresser jusqu’à envahir les petites villes et même certains villages d’irréductibles Gaulois en grévant sérieusement les finances locales et alourdir les impôts locaux du contribuable dupe et même fervent défenseur de l’installation de ces sphères inefficaces. Après tout n’avait-il pas le choix entre le Front National et les caméras ?
Mais comme le disait Coco Chanel, le propre de la mode c’est de se démoder, il faut donc attendre que les pouvoirs publics et les responsables de notre sécurité passent à autre chose pour comprendre que, outre le coût exorbitant des caméras, le résultat escompté ne sera jamais atteint.
En effet il n’existe pas des dizaines de façons de travailler en matière de vidéo-surveillance, il n’en existe que deux mais il semble que ces paramètres-là échappent aux opposants et même aux aficionados. La vidéo-surveillance ne peut être qu’un soutien et pas une solution. La sécurité publique sur la voie publique ne peut se faire que par des être humains, des femmes et des hommes professionnalisés en uniforme et allant au contact des problèmes créés par d’autres être humains…
Vous l’aurez compris, je suis partisan d’un retour à la police de proximité même si je considère que cette appellation est un pléonasme et que les jeunes flics d’aujourd’hui regardent comme s’il s’agissait d’une méthode moyenâgeuse dont les artisans sont inhumés depuis de nombreuses années après avoir brillé par leur incompétence et leur incompréhension d’une société en immuable changement. Et pourtant elle ne remontent pas aux calendes Grecques, elle fut occise par l’agité du bocal Nicolas Sarkozy…
Aujourd’hui les policiers déambulent avec des gilets tactiques aussi lourds qu’inutiles, des barbes aussi négligées que grotesques et en arborant des tatouages aussi voyants que décalés. Au diable les bonnes vieilles méthodes d’écoute, d’aide et assistance puisque depuis des années l’unique réponse apportée par les «sachants» nationaux et municipaux aux sollicitations du public ne sont que le coup de bâton plutôt que la pédagogie, la répression sans la prévention.
Ainsi à Marseille malgré la réorganisation de la police municipale et un énorme renfort de ses effectifs nous n’avons toujours pas des postes de police de quartier susceptibles d’être au service du public et de devenir un lieu essentiel voire même référent de tout un secteur. Cela ne semble pas être la priorité de la mairie d’écouter ses contribuables et puis après tout à quoi bon puisqu’ils sont sans cesse réélus grâce à d’autres méthodes.
La politique municipale n’a pas échappé à la mode du tout répressif et comme le disait Audiard dans les tontons flingueurs : «L’esprit fantassin n’existe plus, c’est un tort ! » ainsi plus aucun policier n’arpente à pieds les rues de notre centre ville. C’est un ballet incessant de deux-tons et de gyrophares traversant la ville en ne respectant aucune règle de sécurité et sans se soucier de celui qui reste sur le trottoir sans être considéré. Je le déplore !
Mais je me dois de revenir à mon sujet à savoir les caméras et leur utilisation pour démontrer en quelques lignes leur inutilité et faire prendre conscience à mes lecteurs de la bêtise de ces installations au regard de l’investissement qu’il représente et bien évidemment en l’opposant au véritable service rendu. Mais je n’évoquerai pas un boulevard du centre ville près de chez moi que j’arpente chaque jour et dont le bitume est chaque matin jonché de millions de bris de verre puisqu’il semble devenu un véritable supermarché pour les «roulottiers» s’adonnant en toute impunité au dépouillement en règle des voitures stationnées là durant la nuit et ce sous l’œil d’une lymphatique caméra de surveillance chargée d’espionner le dit boulevard.
Cela ne donne lieu à aucune interpellation !
Dois-je encore évoquer ces personnes démontant le haut d’un panneau de signalisation, il y a quelques jours à peine, pour faire coulisser le vélo attaché en son pied et s‘en emparer ? J’ai moi même avisé le service de police en leur indiquant que le méfait se commettait sous une caméra. La réponse de l’opératrice était nulle …
Je ne préfère pas développer !
Je disais donc qu’il n’existait que deux façons de travailler au moyen des caméras et ça je vais le développer. La première façon d’utiliser les caméras est celle de pouvoir avoir en permanence une présence humaine rivée derrière chaque caméra afin d’être capable de constater le début de la commission d’un délit ou des intentions préparatoires et d’envoyer très rapidement un équipage de police sur les lieux afin d’en empêcher la poursuite voire même l’accomplissement. Cela reste utopique lorsque l’on connaît le nombre de caméras devant être installées sur Marseille (1 500) et donc le déploiement de force passive devant être mobilisée. De plus lorsque l’on connaît l’état des effectifs de la police nationale qui a du mal à équiper un car police secours par arrondissement et par jour, je vous laisse le soin d’imaginer la capacité de cette institution à diligenter rapidement un effectif en direct sur un délit voire un crime en plein cours d’accomplissement. Si l’on envisage que cette mission de transport sur les lieux et d’apport de solutions face à un délit commis sur voie publique incombe à la police municipale marseillaise je pense qu’il est préférable de se tourner vers la vierge de la garde afin de la supplier d’intervenir elle-même … Nul doute que son efficacité, bien que souvent contestée car rarement prouvée, soit l’ultime raison d’espérer d’un citoyen marseillais en demande.
La seconde façon d’utiliser le dispositif de télé-surveillance est celle d’exploiter, bien après le crime ou le délit commis, les bandes vidéos afin de recueillir des éléments de preuve et de diligenter les investigations pour interpeller le ou les auteurs. Pour avoir travaillé sur un tel support à de plusieurs reprises je peux vous affirmer que c’est loin d’être acquis et ce lorsque les bandes n’ont pas été détruites car touchées par le délai légal. Mais ce qu’il faut mettre en évidence c’est avant tout l’intention première des autorités municipales de favoriser le déploiement des caméras. Jamais ô grand jamais elle n’a été, n’est ou ne sera l’intention de «fabriquer de la preuve» mais bien d’empêcher la commission d’infractions sur la voie publique et dans ce domaine là force est de constater qu’elles auront échoué puisque l’infraction a bien été commise et victimes il y a. Si je poursuis mon raisonnement je peux m’interroger encore sur les pouvoirs de police des premiers magistrats de nos communes et le détournement légal qui semble en avoir été fait puisque en l’état ils deviennent des auxiliaires de justice servant un état déliquescent incapable de faire régner l’ordre. La prévention n’est plus de mise, elle n’est même plus enseignée en école de police puisque à l’instar des caméras elle est victime des phénomènes de mode et de ses effets versatiles. L’utilisation des caméras ne doit avoir qu’un seul but, qu’une seule motivation c’est celle de prévenir les infractions et d’en empêcher la commission. A ce jour, on peut constater qu’à des endroits où les caméras ont été installées elles ont eu l’effet espéré de ne plus voir en ces lieux des groupes de jeunes commettre des incivilités. Elles ont eu un effet aussi formidable qu’inespéré puisqu’elles ont permis le déplacement des groupes précités et donc des infractions commises. Nul ne se doutait que les caméras pouvaient déplacer les problèmes faute de les résoudre …
Mais demain 1 500 caméras mitrailleront les rues de Marseille, elles serviront plus à collecter des impôts sous forme de contraventions qu’à apporter des réponses aux attentes des victimes de violences, de vols et autres comportements pourrissant le quotidien. Tout est histoire de choix, d’orientation et de stratégies mais visiblement confier la tête de la police municipale à un ancien du GIPN ne parvient toujours pas à rendre les personnels efficaces. Ce ne sont pas non plus les tenues de NINJA et le matériel qu’ils portent sur la poitrine qui les aident à trouver la compétence nécessaire pour être à l’écoute des Marseillais las de subir une délinquance organisée et intouchable. Les victimes vont donc encore tomber sous les yeux électroniques stupides de ces satanés caméras de surveillance et les gyrophares vont longtemps hurler sans réelles justifications … Mais la vierge de la garde est là, elle veille sur nous. Elle seule semble capable d’apporter l’aide, l’assistance et surtout l’écoute aux Marseillais.
Je vous salue Marie pleine de grâce …
Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris, il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique, il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]