Publié le 14 mai 2017 à 22h37 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Depuis plusieurs semaines je n’écrivais plus que des tribunes politiques. Élection Présidentielle oblige j’avais adapté mon propos et m’étais concentré sur les faits et gestes des candidats jusqu’à me demander, n’aurais-je pas mieux fait d’effectuer une carrière dans ce domaine plutôt que dans la police? J’étais inspiré et mes articles ont provoqué nombre de réactions tantôt violentes, tantôt décalées. J’en avais presque oublié que j’avais été flic avant d’être rattrapé par plusieurs faits qui, outre les scandales qu’ils auraient provoqués hors période électorale, me paraissent symptomatiques d’une situation que le nouveau Président devra prendre à bras-le-corps dans les prochaines semaines.
Est-ce un phénomène dont nous, les Marseillais avons l’apanage ou bien ai-je tort de me focaliser sur des méthodes potentiellement répandues sur l’ensemble du pays ? Toujours est-il qu’une fois de plus Marseille et sa police décrochent le pompon dans la catégorie super-lourd de la bêtise si malhonnête qu’il est capable de réveiller en sursaut la nuit l’ancien policier que je suis.
Les flics corrompus ou franchissant la fameuse ligne blanche ont toujours existé. Alors que débutais la carrière je tremblais à peine l’acronyme désignant la police des polices prononcé et bien qu’ayant grandi dans des quartiers pas toujours faciles, je respectais le choix que j’avais fait de me placer du bon côté de la ligne. Mais cela aussi semble ne plus avoir cours et même les jeunes policiers s’adonnent allégrement à la contrebande, la corruption et l’association de malfaiteurs et ce sans aucun scrupule.
Les faits que j’évoque se sont déroulés pour la plupart chez nous, à Marseille, à l’exception de deux accidents que je tairai tant ils sont lourds de conséquences et même dramatiques. Dans un commissariat de Mulhouse un policier a abattu son collègue en manipulant son arme et un gendarme Tahitien a tué un interpellé alors qu’il voulait seulement utiliser son taser à son encontre. Maladresse et méprise mortelles. Je ne développerai pas.
Mais au milieu de ces drames il ne faut pas oublier des agissements de policiers Marseillais qui, comme je l’écrivais ci-dessus, auraient fait l’objet de plusieurs ouvertures des journaux télévisés de 20 heures et les Unes de nombreux canards et ce à juste titre. Mais l’élection Présidentielle a permis à la police locale de ne pas perdre, une fois de plus, la face et de ne pas entacher lourdement le travail difficile effectué par ceux qui servent la République avec respect et intégrité mais aussi, de rajouter au Marseille bashing une couche dont tous les phocéens se seraient volontiers passés.
Mais c’est ainsi, les faits sont là et, même s’ils ne sont pas liés à la géographie, ils restent graves et doivent évidemment trouver des réponses judiciaires mais aussi administratives et politiques. En effet, bientôt nous aurons un nouveau ministre de l’Intérieur et il faudra qu’il se penche sur ce qui pousse certains flics à transgresser la loi à des fins d’enrichissement personnel ou du moins pour gagner quelques deniers qui visiblement leur faisaient défaut.
Mais voilà, il ne manquait plus que ça !
C’est au CNAPS, le Conseil National des Activités Privées de Sécurité, l’organisme chargé d’instruire les dossiers des futurs agents de sécurité que la première affaire a explosé. Trois policiers chargés de travailler sur lesdits dossiers ont été mis en examen pour les motifs de corruption active et de faux et usage de faux documents administratifs pour avoir falsifié les casiers judiciaires des candidats à l’agrément indispensable pour exercer. Un véritable sésame pour une carrière d’agent de sécurité.
Je vous laisse imaginer les dégâts puisque ces gens-là encaissaient entre mille et quatre mille euros pour ce tour de passe-passe permettant donc de retrouver dans les supermarchés de la ville des gens condamnés ou placés en garde à vue pour des affaires pénales qu’ils étaient eux-mêmes censés empêcher. En pleine période d’attentats et d’état d’urgence je n’ose pas m’interroger sur la sélection qu’ils avaient mise en place quant aux casiers à trafiquer. En écrivant, j’ai un frisson qui parcourt mon échine … Mais ce qui est d’autant plus choquant dans cette affaire c’est bien l’intention d’empocher ou plutôt de soutirer de l’argent à des personnes en quête d’un emploi. L’intention coupable est un des éléments constitutifs de l’infraction et en l’état il est aberrant, pardon écœurant !
C’est dans les geôles du Tribunal de Grande Instance de Marseille que s’est jouée la dernière affaire, la dernière couillonnade que même Marcel Pagnol en son époque n’avait pas osé inventer. Dans ces locaux transitent de nombreuses personnes avant d’être présentées à un juge puis, être parfois conduits en maison d’arrêt. Les geôliers sont des policiers de carrière assistés par des adjoints de sécurité et ont pour mission de surveiller les mis en cause et d’effectuer les transferts depuis les cellules jusqu’aux bureaux des magistrats ou devant les tribunaux.
Ce sont trois de ces flics qui ont traversé les grilles, comme le passe-muraille franchissait les murs épais, pour se retrouver dans la position du bandit après avoir été dans celle du maton … Position inconfortable puisqu’ils ont été mis en examen pour avoir fourni, à des personnes allant être incarcérées, des téléphones portables afin de communiquer depuis leur cellule avec leurs complices.
Une fois de plus le tout était grassement rémunéré et cela me fait bondir puisque parmi eux se trouvait un ADS en passe de devenir Gardien de la Paix et qui, incontestablement n’avait pas saisi le sens du mot intègre alors qu’il maîtrisait celui du mot ripou qui pourtant ne figure dans aucun dictionnaire.
Mais c’est ainsi la police semble vouloir à tout prix ressembler à la politique et même si la racine des mots est identique les flics ne bénéficient pas d’une immunité à toutes épreuves les rendant aussi invulnérables que les Fillon et autres Cahuzac.
Mais ce qu’il faut voir dans ces deux affaires « Marseillos-Marseillesques », puisque nous en avons presque le monopole au même titre que le célèbre collet Marseillais, la Bouillabaisse ou l’amour d’un club de foot ne comptant que des chèvres, c’est avant tout un laisser-aller, que dis-je un laisse-aller, un abandon de toute une administration et d’une hiérarchie sans doute bien trop préoccupée à assurer les déroulements de carrière en laissant de côté un malaise de la base engendrant de tels comportements.
Parmi les policiers mis en cause au palais de justice je citais celui qui était en passe de devenir Gardien de la Paix car ayant récemment réussi les épreuves du concours. Même si aujourd’hui les vannes du recrutement sont de nouveau ouvertes et les tests de sélection moins compliqués pour ne pas dire simples voire simplistes et les jurys beaucoup plus tolérants on a du mal à comprendre comment un tel candidat a pu passer à travers les mailles du filet tendus par les tests psychologiques et l’analyse minutieuse de son dossier administratif.
Mais loin de moi l’idée de rejeter la faute sur la hiérarchie ou sur le mode de recrutement, les seuls responsables de ces comportements sont ceux qui les ont commis au risque de ternir une image, déjà pas bien luisante, d’une police Marseillaise et plus largement d’une police nationale se cherchant une nouvelle légitimité et une respectabilité.
Bientôt un nouveau ministre de l’Intérieur prendra ses fonctions, il lui appartiendra aussi de trouver des solutions pour que de tels faits ne se reproduisent plus tout comme il faudra qu’il en cherche les causes. Un malaise professionnel ne peut pas tout expliquer et encore moins justifier, de se conduire comme des voyous. Mais fort heureusement nous avons échappé à un lynchage médiatique et à des images racoleuses de BFM tentant de démontrer que les flics marseillais sont sempiternels ripoux et qu’il existe une logique inhérente à cette ville de sombrer toujours plus dans la magouille et la voyoucratie.
L’élection présidentielle nous a épargné au moins cela et alors que nous serrions tous, presque tous pardon, les fesses de voir s’installer le Front National à l’Élysée les flicaillons encaissaient du pognon illégalement gagné au risque de faire sombrer toute une corporation dans le «tous pourris» comme eux mêmes le pensaient sans doute des responsables politiques.
Il ne nous manquait vraiment plus que ça … !
Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris, il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique, il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]