Publié le 17 mars 2015 à 19h57 - Dernière mise à jour le 1 décembre 2022 à 16h54
Notre société est engagée dans un combat existentiel contre la radicalité dont la manifestation la plus tragique est la récente vague d’attentats liés au djihad. Pourtant réduire la crise actuelle à ce seul aspect serait par trop réducteur car il s’agit d’un phénomène plus vaste où des jeunes en recherche de racines croient effectuer un retour vers une identité fantasmée qu’elle soit nationale, régionale ou religieuse mais qui ont toutes en commun l’exclusion de l’Autre. Aussi il convient à la fois de réapprendre qui l’on est, d’où l’on vient, mais également de s’accepter mutuellement avec nos différences. C’est la raison pour laquelle je propose la création d’«Instituts des CultureS » dans toutes les grandes villes de France afin d’assurer le lien social tout au cours de la vie.
La recherche d’une identité fantasmée
La France, mais également l’Europe, sont confrontées à un danger d’une ampleur inédite auquel nos institutions sont peu ou pas préparées et dont la manifestation la plus tragique est la vague d’attentats que nous venons de connaitre ayant pour auteurs des jeunes engagés dans le djihad. Pourtant réduire ce qui arrive à ce seul phénomène serait une grave erreur. Ces événements sont en fait l’expression d’un mal profond qui est celui de la radicalité au nom d’une quête vers une identité fantasmée. Les radicaux profitent de la faiblesse de personnes en mal de repère en offrant un «cadre rigide et protecteur» ainsi qu’un but à leur vie. Cette radicalité peut emprunter différentes voies, celle de l’ultranationalisme, d’un régionalisme exacerbé prônant le séparatisme ou le fanatisme religieux. Elles ont cependant en commun le rejet de l’Autre et en ce sens s’alimentent mutuellement.
Comment en est-on arrivé là?
La situation actuelle est le résultat d’une mécanique complexe dont il faut chercher les racines à la fois au niveau de l’Europe et de notre histoire nationale.
L’Union Européenne (UE) a permis la construction d’un vaste espace comprenant 500 millions de personnes vivant en paix depuis 60 ans. Au nom de cet idéal devenu réalité, les identités nationales se sont peu à peu délitées, alors que dans le même temps, l’UE est devenue une entité impersonnelle à laquelle il est difficile de s’identifier. Cela a favorisé un repli identitaire de proximité avec l’exacerbation des sentiments nationaux, régionaux, ou religieux -que ce soit la confession d’origine ou non- chez une frange non négligeable de la population européenne.
La France d’aujourd’hui est celle de la diversité. C’est le résultat de notre histoire qui est faite tout à la fois de valeurs phares qui ont attiré ceux de par le monde qui aspiraient à la Liberté, l’Égalité et la Fraternité que de notre passé colonial. C’est dans ce creuset, où se sont rencontrées des personnes venant d’horizons fort différents que s’est constitué le peuple français du XXIe siècle. Pourtant, le débat sur l’identité nationale, oscillant entre les tenants d’un modèle unificateur gommant les différences et ceux prônant une citoyenneté à l’américaine avec une juxtaposition de communautés, n’a pas réussi à opérer une nécessaire synthèse entre ces courants pour proposer des mesures adaptées. Nous sommes à la croisée des chemins. Cette diversité peut-être notre force ou notre perte, cela dépendra des décisions qui seront prises.
Une réponse globale aux radicalités
Pour faire face au défi existentiel des radicalités, le tout répressif ne suffit pas. Il est indispensable de travailler en profondeur par l’apprentissage et la mise en application d’un socle commun et partagé constitué des valeurs citoyennes qui fondent notre société dès le plus jeune âge, à l’école, mais également tout au cours de la vie et considérer la dimension plurielle de l’identité française. Ainsi, outre les mesures proposées, et pour certaines déjà mises en œuvre par le gouvernement, il conviendrait de créer des lieux où l’on pourrait tout à la fois découvrir ses racines qu’elles soient «multinationales», régionales, culturelles ou religieuses, ainsi que celles de l’Autre qui est tout aussi légitime car également constitutif de la France et ainsi réapprendre à dialoguer ensemble.
Les cultures ne sont pas réductibles au seul fait religieux
Si l’on peut apprendre l’histoire de la France à l’école ou découvrir ses réalisations les plus prestigieuses dans les Musées, il n’existe que peu de choses dédiées aux cultures d’origine des Français issus de l’immigration, ceux qui ont décidé de rejoindre la communauté nationale, ainsi que pour les cultures régionales. Et dans les solutions proposées l’on confond souvent culture et religion ce qui est paradoxal pour un pays laïque. Fort heureusement, Il existe des réalisations qui peuvent servir d’exemple. Ainsi, grâce aux expositions et autres conférences organisées par l’Institut du Monde Arabe on en découvre la très grande diversité qui n’est pas réductible au seul fait religieux. Quand bien même, on s’apercevrait vite qu’en plus de l’Islam, il comprend d’autres courants spirituels. Et inversement, on constaterait également qu’en «terre d’Islam» coexistent différents peuples non-arabes.
Se connaître soi-même et mieux connaître l’Autre
L’objectif est de permettre à tous les citoyens, aux différentes composantes de notre société plurielle mais indivisible, d’être pleinement soi-même en étant en capacité de connaître ses origines, en plus des fondamentaux de l’identité commune française, l’un n’excluant pas l’autre mais l’enrichissant au contraire. Tout cela en un même lieu ouvert à tous (scolaires, adultes) que l’on pourrait dénommer «Instituts des CultureS» et qui dispenserait des enseignements (par exemple l’apprentissage des langues avec des personnels certifiés), organiserait des séminaires, des expositions, et autres événements culturels. L’État et les collectivités territoriales en lien avec le réseau associatif pourraient répondre à ce besoin éducatif, et éviter ainsi l’intervention de personnes non qualifiées ou ayant des objectifs moins louables.
Une expérience pilote à Marseille
Il s’agit d’un projet qui a vocation de se développer dans toutes les grandes villes de France. Mais avant un déploiement national, une phase pilote permettrait d’en juger de l’opérationnalité. Marseille de par son histoire faite de vagues d’immigrations successives venant de tous les continents est un lieu propice à ce type d’expérimentation. En effet, un riche tissu associatif partenaire des institutions publiques a permis d’engranger une expérience considérable du fait de la diversité des problèmes rencontrés. Ces associations ont par le passé démontré leur capacité à travailler ensemble. Tous ces éléments sont autant de points forts garantissant le succès d’une telle entreprise. A titre d’exemple, le Collectif « Tous Enfants d’Abraham, crée à l’initiative du Centre Culturel Juif Edmond Fleg, a fédéré des Centres Culturels -structures laïques non religieuses- comprenant des Chrétiens d’Orient et d’Occident, des Juifs et des Musulmans. Plusieurs réalisations prestigieuses sont à mettre à l’actif de ce Collectif qui est devenu un modèle du vivre ensemble. Le fait que ce soit des structures non religieuses facilite la mixité et l’action collective dans l’espace commun qu’est la laïcité.
Il y a urgence !
Devant les événements actuels, les Français attendent du gouvernement qu’il apporte rapidement une réponse concrète autre que celle symbolique des réunions de dignitaires religieux plus ou moins suivis par leur base, en complément du volet sécuritaire. Ce peut être en décidant la création d’«Institut des Cultures» dans les grandes villes de France ou la mixité est importante. Pas un musée de plus, mais un lieu d’apprentissage du vivre ensemble en soutenant l’action initiée par le milieu associatif. Si aucune réponse appropriée s’attachant aux causes n’était apportée, il est à craindre que les phénomènes de radicalisation ne s’étendent et accentue encore plus la rétraction identitaire et l’exclusion. Aussi il est prioritaire de travailler sur les versants, éducatif, culturel et de dialogue. Car chaque fois que l’on cède sur ce terrain, c’est une victoire des extrémistes et ce faisant loin de rétablir le lien social, cela nous rapproche de la barbarie et de ceux que nous devons combattre!