Publié le 22 janvier 2016 à 22h35 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 21h36
Après les attentats sanglants de novembre 2015 à Paris, l’agression antisémite de Marseille et le débat sans fin sur la « déchéance », le moral des français était au plus bas. Rien à l’horizon ne semblait pouvoir inverser la tendance et apporter un peu d’espoir. Mais le soir du 19 janvier 2016, l’espoir est né d’un rassemblement citoyen à Marseille, après l’attaque à la machette d’un enseignant juif portant une kippa, pour dire non à l’antisémitisme, non au racisme sous toutes ses formes et contre le terrorisme.
Le monde associatif se mobilise pour dire non à la haine!
A l’appel de Dominique Sopo président de SOS racisme et du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, un collectif d’associations, parmi lesquelles, la Licra, l’UNEF, l’UEJF, le CCAF arménien, la FIDL, le DEJJ, la LDH, la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (Prix Nobel de la Paix), l’Amitié Judéo-Chrétienne, le CRAN et des associations comoriennes, s’est mobilisé pour dire d’une seule voix: NON à la haine!
Bravant le froid, une foule bigarrée a répondu présent en se rassemblant sous l’Ombrière du Vieux-Port, sous une « kippa géante », pour reprendre les mots du président de SOS-racisme. Des citoyens anonymes mais également des personnalités, dont une majorité d’élus de gauche, ont écouté avec émotion les prises de parole des représentants associatifs. Certains avaient fait le déplacement de Paris ou de Lyon. Des applaudissements nourris ponctuaient les interventions, sous les éclairs des flashs des journalistes venus en nombre et dont je salue la présence. Indéniablement, il s’est passé quelque chose ce soir-là.
La radicalisation peut toucher n’importe qui!
Les raisons de la mobilisation de toutes les composantes de la société marseillaise sont peut-être à trouver dans ce qu’a révélé l’agression de l’enseignant juif. En effet, elle comporte des éléments d’une valeur émotionnelle ou symbolique fortes qui peuvent toucher tout un chacun.
A l’origine du drame, un jeune sans histoire, bon élève et apparemment bien intégré. Mais comme tout adolescent, il remet en cause les valeurs de sa famille d’origine Kurde, ceux-là même qui combattent Daesh. Ensuite, il y a l’arme utilisée, une machette, symbole de la barbarie la plus absolue. Ce n’est pas une arme avec laquelle on tue à distance. C’est tout le contraire. On est dans une proximité immédiate avec celui que l’on veut assassiner. Et ses propos étaient très clairs, sans ambiguïté aucune. Enfin, il s’est autoradicalisé en s’abreuvant de littérature djihadiste, celle de l’État Islamique en l’occurrence, non pas avec un ordinateur, mais avec un simple téléphone mobile, sans réseau terroriste organisé et à l’abri de tous les regards.
Nous sommes tous des cibles potentielles!
Après la série dramatique qu’a connue la France ces derniers mois, force est de constater que plus personne n’est à l’abri. Chacun d’entre nous est devenu une cible potentielle que l’on porte un signe distinctif ou non, que l’on soit tranquillement attablé à un café, que l’on assiste à un concert, que l’on regarde un match de foot, ou tout simplement en allant faire ses courses ou en attendant le bus.
La kippa n’est qu’un prétexte pour nous diviser, pour nous faire abdiquer progressivement nos valeurs de vie et ainsi diminuer la distance qui existe entre nous et ceux qui veulent nous détruire, nous imposer leur vision dévoyée du monde, où la mort est une valeur suprême.
Un sourire et une affirmation collective comme armes contre la barbarie!
Lors de ce rassemblement, nombreux, juifs et non juifs, étaient ceux qui arboraient une kippa confectionnée pour l’occasion en forme de « smiley » où l’on pouvait lire « Touche pas à ma kippa ». Un sourire et une affirmation collective comme armes contre la barbarie. Pour signifier que malgré la peur que les djihadistes veulent nous imposer, nous nous organiserons tous ensembles pour continuer à vivre selon nos valeurs et vaincre l’obscurantisme.
(*) Hagay Sobol est Médecin et Professeur des Universités. Très investi dans le monde associatif, il milite depuis de nombreuses années pour le dialogue interculturel. Élu, il est conseiller PS dans les 11e et 12e arrondissements de Marseille, et Secrétaire Fédéral chargé des coopérations en Méditerranée .