Publié le 12 janvier 2016 à 18h07 - Dernière mise à jour le 1 décembre 2022 à 16h54
L’agression antisémite de Marseille et l’attaque de la goutte d’or contre un commissariat de police viennent de nous rappeler avec violence l’effrayante réalité occultée par la «bataille contre la déchéance de la nationalité française des ressortissants binationaux». Nous sommes en guerre et le front n’est pas qu’au Moyen-Orient, mais également ici, chez nous comme je l’évoquais lors de mon audition par la Commission d’enquête parlementaire sur les individus et les filières djihadistes.
Il n’y a plus de profil type du djihadiste!
L’adolescent de 15 ans qui a agressé à la machette un enseignant juif portant une kippa à Marseille est point par point à l’opposé de l’idée que l’on se fait habituellement du candidat au djihad. Ce n’est pas un individu désocialisé et connu de la justice, comme le responsable de la récente attaque du commissariat de la Goutte d’or. Bien au contraire. Il n’a jamais fait parler de lui et ses bulletins scolaires le placent en tête de classe. Pourtant, il se revendique de Daesh et était prêt au pire, tout comme l’agresseur du commissariat, d’origine tunisienne. Alors que l’enquête ne fait que commencer, il semble s’être radicalisé tout seul sur internet en écoutant la propagande de l’État islamique.
Nous sommes confrontés à un triple danger !
Ces terribles événements tracent un portrait terrifiant et protéiforme de notre ennemi qui peut prendre toutes sortes d’apparences, même les plus inattendues, et frapper partout, à tout instant. Cela va des filières composées majoritairement de djihadistes aguerris pouvant réaliser des attaques coordonnées et complexes, en passant par des novices mal préparés mais bénéficiant d’un encadrement et d’un soutien logistique, comme les attaques de novembre à Paris. Ou encore, ce peut être des individus isolés et perméables à la propagande islamiste véhiculée par internet. Ces derniers décideront seuls où et quand ils passeront à l’acte et les moyens utilisés sont anodins, couteaux, objets contondants ou voitures bélier.
Ce qui a changé depuis Charlie et l’Hypercacher
Les théoriciens du djihad en s’attaquant d’abord à «des caricaturistes et des juifs», ne l’ont pas fait par hasard. Ils ont choisi des cibles pour lesquelles on pouvait trouver une mauvaise explication, un mobile apparent : le blasphème ou le conflit israélo-palestinien.
Après un élan national de solidarité, tout le monde ou presque est retourné à son quotidien, jusqu’aux sanglantes attaques parisiennes de novembre où il fallut se rendre à l’évidence. Nous sommes tous des cibles potentielles et il n’y a de justifications d’aucune sorte. Pour paraphraser la très controversée déclaration de Raymond Barre, lors de l’attentat de la Synagogue de la rue Copernic: «Nous sommes tous des français innocents !»
Si l’on s’affronte sur des détails, c’est que l’on est d’accord sur l’essentiel
Tous ces candidats au djihad, aussi différents soient-ils, ont pourtant en commun la même haine, la même détermination et vouent un culte à la mort qui est pour eux une valeur suprême. Et sans le savoir, ils font partie d’un plan d’ensemble pensé par les théoriciens du djihad qui savent jouer des faiblesses des individus et de notre société. Les premiers attentats étaient un test et nous avons échoué collectivement à voir le vrai danger et donc à prendre les mesures qui s’imposaient alors.
Si pour les filières organisées des solutions, bien que complexes, ont déjà fait leurs preuves, pour les «loups solitaires», pratiquement tout reste à développer et il y a urgence. Nous n’avons guère le luxe de perdre un temps précieux dans des débats certes fondamentaux sur le plan moral, mais qui deviennent hors sujet lorsque cela prend de telles proportions et que cela paralyse l’action. Car, si l’on s’affronte sur un point de détail, c’est qu’à l’inverse on est d’accord sur tout le reste. Et, en période de crise, il convient de privilégier ce qui unit plutôt que ce qui divise.
La répression et le renseignement mais également le volet éducatif
Il nous revient dès lors, et au-delà des clivages politiques, de démontrer collectivement et à tous les niveaux de la société notre ferme détermination de combattre ceux qui veulent nous détruire afin de préserver la sécurité des Françaises et des Français, notre culture, nos valeurs et notre avenir. Pour cela nous devons nous doter d’un arsenal répressif et le faire appliquer, renforcer le renseignement et disposer des moyens opérationnels performants. Cela aura un coût que l’on ne peut refuser.
Mais, si l’on veut traiter le mal à la racine, il faut impérativement y adjoindre un volet éducatif qui réinsuffle la République et les valeurs citoyennes du vivre ensemble. Et comme je l’ai proposé lors de mon audition, on pourrait mettre en place dans les villes à forte mixité des structures appelées «Instituts des CultureS», travaillant en lien avec le tissu associatif et, dont le but est de donner une réponse adaptée aux personnes, jeunes et moins jeunes, en recherche de racines, cibles faciles des marchands d’identités fantasmées qui ont toutes en commun l’abolition de l’Autre.
La modernité, c’est accepter l’Autre!
Nous ne gagnerons ce combat existentiel contre la radicalité qu’en réapprenant qui l’on est, d’où l’on vient, et en nous respectant mutuellement quelles que soient nos origines. Car la modernité ce n’est pas que le progrès scientifique, c’est avant tout l’acceptation réciproque de nos différences.
(*) Hagay Sobol est Médecin et Professeur des Universités. Très investi dans le monde associatif, il milite depuis de nombreuses années pour le dialogue interculturel. Élu, il est conseiller PS dans les 11e et 12e arrondissements de Marseille, et Secrétaire Fédéral chargé des coopérations en Méditerranée .