Publié le 1 mai 2019 à 22h56 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 11h44
Charles Roubaud, dont on sait qu’il excelle dans les mises en scène à grand spectacle, retrouvait «Turandot» pour la énième fois de sa carrière avec la contrainte de s’adapter à l’ouverture de la scène marseillaise qui est loin d’être aussi vaste que le plateau des Chorégies d’Orange ou que le Stade de France… Mais on se souvient qu’ici même, en 1993, il avait obtenu le prix du meilleur spectacle lyrique de la saison pour son travail sur «La Femme sans ombre» de Richard Strauss. Excellant dans la mise en place d’un double niveau horizontal sur les plateaux, Charles Roubaud ne s’est pas départi de ses bonnes habitudes pour déterminer deux mondes dans cette «Turandot», celui du peuple, en bas, et celui de l’Empereur, en haut, situant l’action devant l’entrée de la Cité Interdite. Lumières soignées, projections intelligentes, déplacements des masses parfaitement réglés, somptueux costumes signés Katia Duflot : tout cela fonctionne et nous donne à voir sur un espace réduit un spectacle en cinémascope qui convient parfaitement à l’œuvre. Une dimension qui colle aussi à la musique composée par Puccini qui n’a pas lésiné sur la puissance et les percussions. Pour servir la partition, Roberto Rizzi Brignoli a installé des musiciens dans les loges encadrant le plateau ce qui renforce encore la présence de la musique et un effet «dolby» intéressant. Confronté à un répertoire qu’il affection particulièrement, l’orchestre de l’opéra ne lésine pas face au travail, excellemment dirigé qu’il est par le maestro italien. Une interprétation qui ne manque ni de couleurs, ni de puissance, où les nuances sont respectées ; que demander de mieux ? D’autant plus que le chœur, omniprésent, est au diapason de ce qu’il nous a fait entendre depuis quelques mois déjà, s’inscrivant avec bonheur dans cette production. Un coup de cœur et de chapeau, aussi, pour l’excellence des voix des enfants de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône. Du côté des solistes, impossible de ne pas évoquer en premier lieu la prise de rôle, totalement réussie, de Ludivine Gombert, délicate Liu. Maurice Xiberras n’avait pas hésité, il y a quelques mois, à lui proposer cet engagement et il a bien fait. La jeune soprano avignonnaise a imposé son jeu et sa voix, souple, précise et franche. Le public de la représentation de mardi, à laquelle nous assistions, ne s’y est pas trompé et lui a réservé un accueil plus que chaleureux. La Turandot de Ricarda Merbeth est totalement monolithique, physiquement et vocalement. Ce qui pourrait convenir au rôle si la glace fondait un peu de temps en temps. Mais il n’y a pas eu de réchauffement climatique sur la scène de l’Opéra… Une interprétation très germanique ! Le Calaf d’Antonello Palombi est, lui aussi, impressionnant. Et même si tout n’est pas parfait lorsqu’il se retrouve en altitude vocale, les notes sortent et font frissonner. Beau succès. Fort apprécié, aussi, le Timur de Jean Teitgen qui unit l’émotion à une belle ligne de chant. Bien emmené par le Ping d’Armando Noguera, le trio formé avec Pang, Loïc Félix et Pong, Marc Larcher, est vocalement précis et très présent scéniquement. Il convient de citer aussi Émilie Bernou, Mélanie Audefroy, Rodolphe Briand, Olivier Grand et Wilfried Tissot, comprimari idéaux pour cette production dont il ne reste plus que deux représentations pour la découvrir.
Michel EGEA
Pratique. Autres représentations le jeudi 2 mai à 20 heures et le dimanche 5 mai à 14h30. Réservations au 04 91 55 11 10 ou au 04 91 55 20 43 ou sur opera.marseille.fr .