Publié le 18 septembre 2019 à 9h56 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 12h30
En préparation depuis plus d’un an, le nouveau plan du gouvernement contre le trafic de stupéfiants contient 55 mesures a été annoncées ce mardi 17 septembre, à l’Hôtel de police de Marseille par quatre membres du gouvernement, Christophe Castaner et son secrétaire d’État Laurent Nuñez mais aussi la garde des Sceaux Nicole Belloubet et le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, dont dépendent les Douanes. La mesure phare de ce dispositif est la création d’un office central, l’Ofast pour que les trafiquants connaissent des jours qui eux soient bien moins fastes.
C’est à Marseille que Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, Nicole Belloubet, ministre de la Justice, Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics et Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur ont présenté les 55 mesures du Plan national contre les stupéfiants. «Il ne s’agit pas de faire des promesses hasardeuses mais de présenter l’organisation moderne, efficace et adaptée que nous mettons en place, dans la transversalité, pour agir contre les trafics à tous les niveaux, de la cage d’escalier aux grands réseaux internationaux», indique Christophe Castaner qui précise que le choix de Marseille ne s’inscrit pas dans une volonté de stigmatisation de cette dernière «mais pour montrer ce qu’il y a de positif dans cette ville» et notamment «une expérimentation de travail dans la proximité, conduite ici, qui a porté ses fruits». Nicole Belloubet se réjouira de ce dispositif qui doit permettre à la justice d’être plus réactive et, grâce à une coopération renforcée, «de renouer la confiance entre police et justice», tandis que Gérald Darmanin insistera sur l’apport des Douanes dans cette lutte contre les trafiquants. «Trop de nos concitoyens subissent la drogue. La drogue c’est une vie qui devient impossible pour trop de Français, c’est la matrice de toute les délinquances. 80% des règlements de compte en France sont liés à la drogue. C’est 3 milliards d’euros blanchis par an en France», rappelle le ministre de l’Intérieur qui insiste sur le fait que les forces de l’ordre mène une action résolue face à ce phénomène: «On constate le doublement du nombre de trafics identifiés entre 2000 et 2017 et une forte augmentation des saisies de cannabis, cocaïne et ecstasy. Ainsi, entre 2000 et 2017 les saisies de cannabis ont augmenté de 343%».
Création d’une nouvelle entité: l’Office anti-stupéfiants (Ofast)
Des résultats donc mais, poursuit le ministre de l’Intérieur, «aujourd’hui nous devons franchir une nouvelle étape. Une réforme s’imposait. La multiplicité des services impliqués, un partage insuffisant des informations, un fonctionnement en silo pouvaient nuire à la qualité des enquêtes. Nous nous devions de mettre en place une organisation plus efficace et rationnelle. Nous mettons en place une organisation moderne, efficace et adaptée de notre lutte contre les trafics de drogue. Nous refondons une structure, l’Office central de répression du trafic de stupéfiants, qui n’avait pas changée depuis 1953 -époque à laquelle on comptait environ 600 toxicomanes en France- et nous créons une nouvelle entité, unifiée et puissante, pour agir plus efficacement contre les trafiquants : l’Office anti-stupéfiants, l’Ofast. Cette structure rassemblera des policiers, des gendarmes, des magistrats et des douaniers, mais aussi des représentants du ministère des Armées et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Elle nous permettra de mieux partager les informations et de coordonner nos actions pour frapper ensemble et frapper fort contre le trafic de drogues. On veut frapper là où ça fait mal. Aujourd’hui, sur 500 millions d’avoirs criminels saisis, seulement 10% est lié au trafic de stupéfiant, c’est anormal». L’Ofast sera dirigée par Stéphanie Charbonnier, actuelle conseillère « justice » du Directeur général de la police nationale (DGPN). Elle sera secondée par le procureur de Bayonne Samuel Vuelta-Simon. L’Ofast disposera de 150 enquêteurs policiers et gendarmes chargés de conduire les enquêtes au niveau national et international et d’un pôle chargé des relations internationales et sera doté de «16 antennes territoriales en métropole et Outre-Mer». L’Office sera opérationnel au début du mois dejanvier 2020.
«Grâce au dispositif Cross, le nombre de trafiquants écroués dans l’agglomération marseillaise a augmenté de 15 %»
Puis d’en venir à l’expérimentation conduite à Marseille depuis 2015 pour décloisonner les renseignements et mieux les collecter. Expérimentation menée dans le cadre de cellules du renseignement opérationnel sur les stupéfiants, les « Cross ». «Grâce à ce dispositif, le nombre de trafiquants écroués dans l’agglomération marseillaise a augmenté de 15 %.» Fort de ce succès, le Gouvernement a créé 28 Cross dans les grandes aires urbaines. 3 cellules sont en cours d’installation. Avec ce « Plan Stup' » l’ambition est de rendre toutes les Cross opérationnelles d’ici à fin 2019; impliquer dans chaque Cross des personnels de la gendarmerie et des douanes; permettre à d’autres acteurs, comme la police municipale et les bailleurs sociaux, de partager avec eux leurs informations issues du terrain. «Cette organisation permettra de mieux collecter, recouper et analyser les informations recueillies». Afin d’assécher les réseaux et de priver les trafiquants de leurs moyens, la lutte contre le blanchiment de l’argent de la drogue sera également renforcée par un contrôle des commerces susceptibles d’y participer, sous l’égide des Comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), et par l’intensification des saisies d’avoirs criminels. «Enfin, la lutte contre les stupéfiants est indissociable de la coopération internationale. Les réseaux d’acheminement des stupéfiants vers l’Europe seront mieux connus et combattus. Le « Plan Stup’ » prévoit donc un renforcement de nos partenariats avec nos voisins européens, Europol et Interpol, bien sûr, mais aussi avec les autorités des pays producteurs de stupéfiants ou servant de zone de rebond», précise Christophe Casataner qui ne manque pas d’ajouter qu’au-delà de la répression: «La lutte contre les stupéfiants ne peut être remportée qu’avec l’aide de dispositifs de prévention particulièrement offensifs. Il est nécessaire de casser l’image « festive » ou « récréative » dont bénéficient certaines drogues et de faire prendre conscience des dangers qu’elles font courir».
Combattre le mythe de l’argent facile
«Nous devons aussi combattre le mythe de l’argent facile et, avec les collectivités, proposer des alternatives aux « petites mains » du trafic qui s’engagent en réalité dans une spirale destructrice, entre assujettissement aux criminels et parcours judiciaire. C’est aussi le sens de l’action du Gouvernement en faveur d’une école de la bienveillance, pour une plus grande cohésion des territoires et contre la pauvreté», annonce le ministre de l’Intérieur. Parmi les mesures dévoilées, il met en exergue l’expérimentation à venir d’une plateforme d’appels dédiée et anonyme pour signaler les points de vente «car, nous savons très bien qu’il est parfois dangereux de venir au commissariat au risque d’être surveillé». Nicole Belloubet, annonce que l’amende forfaitaire de 200 euros, sanctionnant l’usage de stupéfiants, «sera opérationnelle courant 2020. Et cette procédure ne vient pas se substituer aux autres modes de réponses pénales mais s’ajouter». En réponse aux inquiétudes d’une magistrate de la Juridiction inter-régionale spécialisée (Jirs) à Marseille, Nicole Belloubet souligne: «Le budget de la Justice a bénéficié d’une hausse de 20% en 5 ans ce qui permet de combler la presque totalité des vacances de magistrats et nous allons pouvoir porter une attention particulière aux Jirs, en termes de magistrats mais aussi de greffiers». Gérald Darmanin, pour sa part a insisté sur le fait que «chaque année, les agents des douanes saisissent entre 50 et 75% des quantités de drogues interceptées par l’État. Je tiens à rendre hommage aux douaniers pour leur engagement sans faille au service de la protection des Français». Et de lancer: «Le trafic de stupéfiants est un fléau pour la santé publique, c’est également un pourvoyeur de fonds énorme pour l’économie souterraine. Nous sommes déterminés, la France ne sera pas le terrain de jeu des trafiquants». Pour Caroline Pozmentier-Sportich, adjointe en charge de la sécurité à Marseille : «Avec ce plan, nous sommes sur la bonne méthode, sur une logique de transversalité, pour combattre la délinquance. Mais il faut aller plus loin, plus haut et nous sommes prêts à Marseille à aller en ce sens. Mais il ne faut pas en rester à la seule répression, tout à fait nécessaire, il faut aussi développer la prévention ce que nous faisons là encore à Marseille avec les Conseils de prévention de la délinquance où nous faisons des rappels à l’ordre très ferme mais où, notamment avec le Département, garantissons un suivi social».
Michel CAIRE
Le «Plan stup’» est un ensemble de 55 mesures pour répondre à 6 objectifs : -L’amélioration de la connaissance des trafics ; -L’intensification et la rationalisation des activités de terrain; -L’accroissement de la lutte contre l’économie souterraine et les circuits de blanchiment du trafic de stupéfiants; -Le renforcement de la saisie des avoirs criminels ; -Le développement de la coopération internationale ; -Le renforcement des capacités des services. |