Une Génération pour Marseille : étude d’un cas d’école

Une Génération pour Marseille vient d’organiser, à l’Epopée, un débat autour du bilan de Marseille en grand et notamment sur l’école. Riches échanges devant plus de 200 personnes au travers de tables-rondes.

Destimed Generation Marseille
Romain Simmarano ,Une Génération pour Marseille, Christophe Pierrel, ancien DGA du Plan école de la ville de Marseille, Patricia De Jesus, directrice de l’école de Montolivet (12e), Lionel Royer-Perreaut, ancien député et maire des 9/10 © Raymond Arouch

 

« Nous sommes là pour débattre  autour du « Plan Marseille en grand », avec des personnes qui ont joué un rôle. Il s’agit de voir où nous en sommes, ce qui bloque, ce qui a marché. La discussion c’est la base de la politique et la politique c’est ce qui nous permet de changer la vie », précise Romain Simmarano qui est à la tête, avec Sandra Blanchard, de Une Génération pour Marseille. Christophe Pierrel, DGA du Plan école de la ville de 2021 à novembre 2023, était présent pour partager son expérience et son analyse. Avec lui, pour cette table-ronde, Patricia De Jesus, directrice de l’école de Montolivet (12e) et Lionel Royer-Perreaut, ancien député et maire de secteur. Mais il revient à Sabrina Agresti-Roubache, ancienne secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la Ville de rappeler : « C’est Emmanuel Macron qui a voulu un grand plan de sauvetage pour Marseille prenant en compte l’hôpital, la mobilité, les écoles, le logement… Un plan global de sauvetage a été lancé et il est faux de dire que rien ne marche, mais on ne rattrape pas 50 ans de retard en trois ans. » «Dès mon arrivée au ministère en juillet 2023, poursuit-elle, après les travaux de la Chambre régionale des Comptes, un tournant a été pris et des résultats sont là ». Et de citer : « 15 projets de transport livrés en 2025. On a réussi avec Martine Vassal sur ce dossier; Marseille en Grand c’est aussi des policiers et des moyens supplémentaires.» Elle met également en exergue 10 projets de rénovation urbaine validés, avec des conventions signées « contre 4 avant mon arrivée. Ainsi que le lancement d’une mission préparatoire à la création d’une filiale d’Euroméditerranée pour mettre en place des opérations d’intérêt national et instruire des permis de construire à la place de la ville, évitant ainsi que les crédits engagés soient perdus. » Concernant les écoles elle signale que les fonds sont garantis, même si « 14 écoles sur 188 c’est bien trop peu», avant d’insister : « merci au président de la République de s’être penché sur Marseille. On peut être d’accord ou pas avec lui mais ce plan c’est grâce à lui. »

« Il ne faudra pas se plaindre des extrêmes si nous ne sommes plus capable de débattre »

Christophe Pierrel apprécie d’autant plus cette invitation qu’à ses yeux : «On ne débat plus sur le fond dans notre société. Ma venue ce soir est un acte militant car je considère que nous sommes en perte de démocratie et qu’il ne faudra pas se plaindre des extrêmes si nous ne sommes plus capables de débattre. » D’en venir à la question des écoles : «Au départ tout le monde avait une vision commune : l’état des écoles était catastrophique en 2020. 72% des écoles avaient une boiserie défaillante, 70% des problèmes d’étanchéité , 25% des sanitaires défaillants… Il y avait une grande précarité, des écoles dangereuses et cela donnait une responsabilité immense à la nouvelle majorité. » Face à cette situation, ajoute-t-il:  «La vision consistait à aborder la question sur un plan technique, de donner suffisamment d’espace et de prendre en compte l’évolution de la ville. A partir de là les financements arrivent et tout est mis en œuvre pour que cela fonctionne avec un objectif : 170 écoles en dix ans. C’était possible. »

« Pourquoi cela a déraillé? »

Et Christophe Pierrel d’en venir à « pourquoi cela a déraillé ?». Selon lui:« La question n’est pas financière. Le problème vient du fait que l’on a voulu faire de la politique et réorganiser le plan qui est passé à 188 écoles. Car il fallait d’une part placer les écoles des uns et des autres et, d’autre part, certains  élus ne voulaient  pas de travaux pour ne pas avoir de problèmes dans le quartier ou encore avec les promoteurs. Quand on a voulu faire des rues des enfants, c’est-à-dire piétonniser à proximité des écoles, on nous a rétorqué que l’on ne pouvait pas supprimer des places de stationnement. Et, ainsi, il y a eu un manque de courage qui est venu se superposer à des demandes politiques. Du retard est pris, la machine se grippe. Dans ce contexte le préfet joue son rôle, il essaie de mettre de l’huile dans les rouages mais tout prend du retard et les seules écoles qui sortent de terre sont celles initiées par l’ancienne majorité et un peu par Michèle Rubirola mais, depuis 3 ans aucun chantier n’a été lancé. »

« Besoin d’un changement radical dans la façon de collaborer entre les collectivités et l’État »

« Il y a besoin d’un changement radical dans la façon de collaborer entre les collectivités et l’État », considère alors Christophe Pierrel pour qui « la question n’est pas de dire un tel ou un tel tort. Il faut reconnaître ce qui a été mal fait avant 2020, ce qui est mal fait aujourd’hui et surtout il faut trouver des solutions. 78 000 enfants ont besoin de solutions de qualité.»

Après le technicien c’est au tour de l’enseignante de prendre la parole. Patricia de Jesus explique : « Nous avons besoin de travaux mais pendant longtemps on nous a dit ce n’était pas possible puisque votre établissement est inscrit dans le plan école, tout va être refait. Jusqu’au jour où… nous avons découvert que nous n’étions plus dans le plan  et cela sans jamais avoir été prévenu. Puis, nous avons été inondés parce que les travaux que nous avions demandés sur les égouts n’ont pas été réalisés. De même, du 12 juin au 4 septembre une alarme incendie a fonctionné alors que j’ai prévenu plusieurs fois, sans résultats ».

Lionel Royer- Perreaut donne la position de l’élu, et, sans surprise, elle est en désaccord avec celle de Christophe Pierrel. Il insiste en premier lieu : «C’est une chance d’avoir Marseille en Grand. Nombre d’élus locaux nous envient. Cette chance on ne doit pas la rater et le problème de Marseille réside dans le fait que, contrairement à d’autres territoires, on ne sait pas se mettre d’accord ensemble sur des grands projets. Chacun travaille en silo, essaie d’emporter la mise avec son dossier. » Il poursuit : « La métropole est mal née, tout le monde le sait mais pourquoi la majorité municipale refuse-t-elle de s’appuyer sur ceux qui font battre le cœur de la ville : les maires d’arrondissements. Il y a pas moins de 74 écoles dans le secteur dont j’ai été le maire et je n’ai pas été contacté. S’il y avait eu un travail avec les élus en plus de l’approche technique nous aurions une situation différente.» Et de demander: « Pourquoi a-t-il fallu créer une société publique pour ce dossier des écoles. Il n’y a qu’à Marseille où on voit cela ».

« le problème dans cette ville c’est la politique »

Robert Ciampi, proviseur, intervient de la salle.  « Le problème dans cette ville c’est la politique. L’école n’est ni de gauche ni de droite alors pourquoi n’a-t-on pas fait appel à l’école pour construire l’école ? Comment se fait-il que dans la Société Publique des Écoles Marseillaises il n’y ait que des élus, et en plus de la majorité? Comment comprendre que les écoles n’aient plus de référents pour les problèmes du quotidien ? » Christophe Pierrel répond au proviseur : « Dans une vision idéale une place était donnée aux enseignants, aux parents d’élèves et à la société civile.» Puis,  à destination de Lionel Royer-Perreaut : « La société publique a été créée à la demande de l’État car la confiance de l’État vis-à-vis des collectivités locales est telle qu’elle veut créer des structures gérant au-dessus des collectivités ». Il ajoute : « J’ai travaillé avec les maires de secteur, on s’est vus dans vos bureaux, on a visité les écoles. On a travaillé avec des techniciens de l’ancienne majorité, des enseignants, des parents d’élèves. Les 174 écoles retenues étaient le fruit des priorités du terrain mais tout s’est effondré. Et lorsque la Chambre régionale des comptes a tiré le signal d’alarme tout le monde a dit c’est pas moi c’est l’autre alors qu’il fallait se dire on a des problèmes de logements, de transports, de propreté, d’école. Et oui les enseignants vivent tous les jours des problèmes. Et ils en n’ont rien à faire de savoir qui fait, ils veulent que ce soit fait. »

Romain Simmarano conclut : « Marseille en grand est un sujet passionnant car il recouvre toutes les grandes questions de Marseille. Et ce soir, nous avons réussi à débattre c’est particulièrement important dans cette ville tant les urgences sont là. Il faut savoir, par exemple, que 40% des mineurs de cette ville vivent sous le seuil de pauvreté. On va voir arriver dans la vie adulte des personnes qui ont vécu leur enfance et leur adolescence sous le seuil de pauvreté et quelle structure sera capable de les accueillir ? A part le crime organisé qu’est-ce qui est structuré pour cette jeunesse ? Si on réfléchit, si on se pose sur 2026 il faut apporter une réponse à cela. Il faut un souffle nouveau pour proposer quelque chose de cohérent. Et le deuxième chiffre ce sont les 5 milliards. Combien risquons-nous de perdre, surtout nous devons voir ce que nous pouvons encore engager. Nous devons être créateurs d’espoir. » Et d’annoncer les rendez-vous à venir, le prochain  se tiendra le 12 décembre et portera sur la sécurité et le suivant aura pour objet: Comment réagir au changement climatique ?

Michel CAIRE

 

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