Publié le 2 septembre 2017 à 21h33 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h36
Il ne se passe pas un an sans qu’un scandale d’ordre alimentaire vienne brouiller la marmite des Français. En plein été, le scandale des œufs en provenance des Pays-Bas contaminés au Fipronil a fait tache d’huile sur les œufs durs des pique-niques d’été. Pourquoi ce taux trop élevé de Fipronil ? Et pourquoi dans l’œuf sachant que l’insecticide en cause, utilisé pour désinfecter les poulaillers était censé être naturel, à base de menthol, d’eucalyptus, d’huiles essentielles et de fait très demandé par les éleveurs en raison de son action efficace contre le pou rouge qui contamine les poules pondeuses. 17 pays seraient concernés par ce dérapage, l’enquête se poursuit d’autant que d’autres substances comme l’amitraze -substance neurotoxique à usage Phytosanitaire- sont elles aussi suspectées. La liste des produits nocifs envahi notre alimentation. Née en 2008 le mouvement L214 avec ses 40 antennes locales, ses 27 000 adhérents et un millier de militants bénévoles est devenu le fer de lance de la cause animale, ses prises de paroles, ses actions contre le traitement des animaux en abattoirs font mouche auprès des consommateurs. Présent aux journées de La France Insoumise (Faculté Saint Charles), le mouvement va au-delà de la protection pour faire accepter une autre manière de se nourrir. Souvent épinglée pour ses révélations, films et photos montrant le traitement inadmissible des animaux dans certains abattoirs : «Trois millions d’animaux sont tués chaque jour dans les abattoirs français», rappelle Carole Mare, membre de la délégation nationale de L214 .
Donner l’alerte
Depuis 2008, le mouvement a largement contribué à alerter les pouvoirs publics sur des méthodes inadmissibles pratiquées aussi bien dans l’élevage que pour abattage. «Ce sont souvent les ouvriers eux-mêmes qui nous alertent, photos ou film à l’appui parce que tout simplement ils ne supportent pas de faire souffrir des animaux qu’ils sont censés soigner», souligne Carole Mare. Quant aux petits abattoirs, c’est une autre paire de manches. D’une belle envolée Olivier Falorni, député en Charente-Maritime, résume le problème : «C’est plus difficile d’entrer dans un abattoir que dans un sous-marin nucléaire !». De nombreuses photos sur le site de L214, dans les brochures diffusées lors de cette manifestation témoignent du mal être de nombreux animaux en élevage intensifs. Et les «remèdes» utilisés pour se dispenser des non «rentables».
50 millions de poussins
«Cela concerne notamment les poussins nés dans d’immense couvoir qui à peine éclos sont triées. Ceux qui ne sont pas rentables, car n’étant pas une race « à chair » et ne pondant pas étant des mâles, sont gazés ou broyé vivant », rapportent les responsables de L214 qui estiment à «50 millions le nombre de poussins ainsi tués chaque année.» Quant aux poules «des oiseaux étonnants pouvant apprendre leur travail de pondeuse sur un écran de télévision» leur vie est courte et laborieuse conditionnée pour pondre 300 œufs par an au détriment de leur santé alors qu’une poule sauvage en pondra une trentaine
Des veaux orphelins…
Pour les militant de L214 La vache est décrite comme «intelligente et curieuse» comme en témoignent des films montrant comment elles utilisent leurs cornes comme un outil pour ouvrir des portes ou actionner des pompes à eau. Pour les militants L214 «c’est aussi un animal très sensible, qui souffre d’être séparé de son petit». Dans les élevages les veaux sont séparés de leur mère à la naissance ou dans les 24 heures qui suivent. Résultat : «Après la séparation l’un et l’autre se cherche en meuglant pendant des jours, et on a aussi vu des vaches détruire leur clôture et parcourir des kms pour le retrouver». Malheureusement note les porte-parole de L214 , «le régime est le même pour les brebis et agneaux, chèvres et chevreaux toutes réclament leur progéniture !»
Des vaches épuisées
Gambader dans les champs ? Privilège de quelques vaches pistonnées ! Les vaches laitières ont en effet un accès souvent limité à l’extérieur. Les porte-paroles de L214 condamnent les bâtiments clos (zéro pâturage) sans parler de la ferme usine de 1 000 vaches. «En moyenne, expliquent-ils, une vache produit aujourd’hui 3 fois plus de lait qu’en 1950 ; ce qui a des conséquences importantes sur sa santé, sa « charpente » a du mal à résister à ce surplus de poids dû à la gestation et à l’abondance de lait, la traite se faisant aussi pendant la grossesse.» La sélection génétique du bétail en général répond à un critère : rendre les animaux les plus productibles possible, cochons, poulets, bovins sont sélectionnés pour produire le plus de viande. Tout cela ne va pas sans quelques couac que dénonce L214 : «Des centaines de poulets meurent dans les élevages avant même d’être conduit à l’abattoir, le cœur, les poumons, leur squelette en général étant incapable de supporter une croissance musculaire accélérée.»
Qu’attendent-ils de Nicolas Hulot ?
Le rôle qui est attendu de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire est aussi éclectique que considérable. Alors que l’agriculture biologique connaît un développement sans précédent -21 fermes Bio se créent chaque jour en France- l’aide au développement censée l’accompagner n’est pas de mise au grand dam des agriculteurs. 34 organisations dont la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique ont dénoncé dès le mois d’août le quasi-arrêt des aides à la filière bio. Une agriculture confrontée au lobbying, à La FNSEA qui détient la quasi-totalité des chambres d’agriculture et l’Association nationale des Industries Alimentaires (ANIA) avec ses 500 000 emplois à la clé. En déshabiller une (agriculture conventionnelle) pour renflouer l’autre, (agriculture Bio) semble un vœu pieux, même si «la réglementation européenne permet aux États membres de transférer jusqu’à 15% du budget destiné à soutenir les exploitants». Pour sa part Nicolas Hulot qui faisait sa rentrée reste confiant: «Le contexte est favorable pour réorienter nos modes de production et d’alimentation» visiblement heureux que son idée des États-généraux de l’alimentation ait été reprise par le gouvernement. Sous la houlette du ministère de l’Agriculture cette consultation professionnelle et citoyenne a débuté lundi. Un point a particulièrement été abordé : il s’agit de la répartition des revenus entre producteurs et distributeurs. D’autres ateliers, notamment sur le gaspillage alimentaire et la bonne santé des consommateurs se dérouleront d’ici fin novembre.
Une situation contradictoire
Secrétaire national du parti de la France Insoumise, en charge de la Mer, des transports et de l’aménagement du territoire, Mathieu Agostini porte sur le staff de Nicolas Hulot un regard inquiet. « Hulot est dans une situation contradictoire. Coincé entre un ministre de la droite libérale en charge de l’Agriculture et de l’alimentation, et parmi les 20 membres de son cabinet, trois seulement qui sont proches de lui. Quant aux deux secrétaires d’État qui dépendent de lui : «Ce ne sont pas des écologiques connus et reconnus comme tel ». Brune Poirson d’un côté qui a été directrice du développement durable dans une filiale de Veolia à qui «Les Amis de la Terre» viennent d’adresser le Prix Pinocchio pour sa politique de privatisation de l’eau dans des villes d’Inde dont Delhi et Sébastien Lecornu en charge de la transition écologique qui fait ses premiers pas dans le monde de l’agriculture.
Parmi les initiatives marquantes de Nicolas Hulot sont citées: la médiation suivi de la suspension de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la « pause » sur la liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin, un chantier colossal qui, s’il n’est pas remis en cause, pourrait prendre fin en 2030 avec à la clé 6 800 expropriations sur l’ensemble du tracé et pas moins de 16 millions de mètres cubes de roche a évacuer. «Suspendue» l’A.45 Rhône-Alpes, autoroute entre Lyon et Saint-Étienne dont le coût a été estimé à 1 200 millions d’euros. Un vieux projet, le premier datant de…1930 ! Sont par ailleurs attendues des actions soutenues contre les perturbateurs endocriniens présents dans les pesticides, les insecticides et les produits ménagers et appelés ainsi depuis que de nombreuses études ont démontré leur action sur le système endocrinien de l’humain : Obésité, diabète de type 2, cancers hormono-dépendants de même que des signes de troubles cognitifs et neuro-comportementaux chez l’enfant.
Manger Bio coûte cher
Pour les associations dans la mouvance de L214, pour Les Insoumis, il importe de respecter le choix de chacun, manger ou ne pas manger de la viande et produits laitiers avec en direction de l’Éducation nationale un souhait de mise en place de repas végétarien pour ceux qui le souhaitent. Reste un problème : Manger Bio coûte cher, il faut avoir les moyens de s’offrir toute la panoplie des produits nécessaires pour remplacer le lait, les œufs, la viande, les poissons pêchés au chalut et dont la moitié des prises, avancent les militants de L214, sont rejetées à la mer faute de ne pas être de l’espèce commandée.
Une aide plus consistante à l’agriculture Bio serait pour ses disciples un moyen de faire baisser les prix. Prix des légumes, des fruits et d’une caravane de substituts à la cuisine traditionnelle. Car oui, il est possible de faire une omelette sans casser des œufs grâce au tofu et à la farine de pois chiches. Pour retrouver l’aspect de l’œuf monté en neige utilisez, mélangées à de l’eau, des graines de lin moulues et des graines de Chia. Résultat une substance gluante très proche de la texture du blanc d’œuf…Moudre les graines de lin au fur et à mesure car elles s’oxydent. Quant aux laits végétaux, il y en a pour tous les goûts, lait de soja, lait de riz, d’amandes ou de noisettes etc…Au Rayon Bio, on peut tout faire avec un peu d’imagination, et même de la bière avec des morceaux de pain sec.
Christine LETELLIER