Publié le 24 juillet 2015 à 10h34 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Depuis le 15 juillet et jusqu’au 23 août, la Villa Méditerranée présente l’exposition : «France-Mexique-histoires partagées de Barcelonnette à Mexico», à l’occasion de la venue à Marseille du Président mexicain, Enrique Pena Nieto. Une opération qui permet de découvrir la culture de ce pays d’Amérique du Nord mais aussi des facettes parfois méconnues de la vie de la France, de la région. Cinq séquences composent cette exposition qui aborde les multiples aspects unissant les deux pays : « À la rencontre du Mexique et de sa culture populaire vivante »; «Entre France et Mexique»; «Les Barcelonnettes au Mexique (1805-2015])»; «Des célébrations et des commémorations France-Mexique»; «Des partenariats et des échanges économiques, artistiques et scientifiques».
On s’arrêtera tout particulièrement sur «Les Barcelonnettes», ces habitants de la Vallée de l’Ubaye qui, à la suite des frères Arnaud, ont, comme l’explique l’ouvrage des Amis du Musée de la Vallée : « les Barcelonnettes au Mexique », ont débarqué sur le continent américain «et bientôt au Mexique, y ont fait des affaires fructueuses, y ont attiré un grand nombre de leurs compatriotes qui ont constitué là-bas une communauté prospère et puissante, un véritable empire économique associant industrie, grand commerce et banque». Les habitants de la vallée de l’Ubaye ont construit, au fil du temps, une économie «où les voyages et l’émigration saisonnière jouaient un rôle majeur, et ainsi d’avoir une bonne connaissance du vaste monde». Et, pour que ce système fonctionne, l’éducation a joué un rôle primordial. «En 1848, 90% des hommes et des femmes du canton de Barcelonnette savent lire et écrire». Une exception.
Des relations économiques, artistiques, universitaires et scientifiques continuent de tisser ce lien
Cette histoire des Barcelonnettes, si originale, s’inscrit dans une histoire bien plus longue que l’exposition retrace. En effet, «sa colonne vertébrale» est constituée par une chronologie croisée « France-Mexique » confiée à l’historien mexicain Alfonso Alfaro. Elle donne à lire la longue histoire partagée entre ces « Deux Républiques sœurs », qui débute dès le 16e siècle et se prolonge jusqu’au 20e siècle. Aujourd’hui, au 21e siècle, des relations économiques, artistiques, universitaires et scientifiques continuent de tisser ce lien, particulièrement à Marseille et en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ces relations entre les deux pays sont notamment présentées dans la cinquième séquence de l’exposition.
Des images signées par le photographe français Alfred Briquet (1833-1926), installé à Mexico à partir de 1885, donnent à voir, dans un premier temps, les monuments et paysages emblématiques, mais aussi les petits métiers du Mexique de Porfiriato (période de l’histoire du Mexique marquée par le régime autoritaire de Porfirio Diaz). Autant de sujets et clichés qui ont marqué les migrants et leurs descendants et qui sont aujourd’hui conservés au Musée de la Vallée à Barcelonnette. D’autres objets proviennent du Musée des Arts Africains, Océaniens et Amérindiens de Marseille.
La séquence deux, entre France et Mexique met en avant des objets mexicains sous influence française, tableaux, haute couture, ou encore la version européanisée du salon mexicain fabriquée spécialement pour un migrant français originaire de Barcelonnette. Des « Barcelonnettes » dont il est particulièrement question dans la séquence 3. S’ils ne sont pas les seuls migrants français installés au Mexique, ils sont les plus connus et leur aventure, à la fois commerciale et industrielle, a été largement publiée et toujours médiatisée. Partie en 1992 à la rencontre des Barcelonnettes au Mexique, la photographe Jacqueline Colde, installée à Marseille, a photographié les acteurs de l’émigration et leurs descendants.
On découvrira ensuite que la France et le Mexique partagent des célébrations et commémorations communes, qui sont toujours portées des deux côtés de l’Atlantique avec la même ferveur. Une place particulière est liée à l’histoire de la Légion Étrangère qui servit 4 ans au Mexique (1863-1867). Il s’agit de la bataille de Camerone qui eu lieu le 30 avril 1863. Cette défaite est considérée depuis 150 ans comme une victoire pour la Légion car elle a symbolisé à la fois le sens du courage et du sacrifice.
D’héroïsme, il est également question avec Gilberto Bosques
D’héroïsme, il est également question avec Gilberto Bosques (1892-1995). Ce diplomate mexicain est nommé Consul général du Mexique à Paris en 1938. Il choisit de transférer le Consulat général à Bayonne, puis à Marseille (1939-1944), en zone libre, où son aide permettra à 40 000 réfugiés (en majorité des républicains espagnols, des antifascistes allemands, des Autrichiens, des Hongrois, des Italiens, des Yougoslaves, des Polonais et des Juifs de la diaspora européenne) d’échapper à la persécution de la police, des militaires et des agents de renseignements français, allemands et espagnols, via l’octroi de la nationalité mexicaine. Du fait de la demande croissante, il loue deux châteaux qui offriront l’asile politique à près de 1 000 personnes. Lorsque le Mexique rompt ses relations diplomatiques avec le régime de Vichy, le consulat est assailli par la Gestapo qui confisque l’argent alloué pour les opérations de sauvetage. Guillermo Bosques, sa femme et ses trois enfants ainsi que les 43 employés du consulat, sont envoyés à Amélie-les-Bains, puis transférés dans un «hôtel-prison» à Bad Godesberg. Après plus d’un an, en 1943, les Mexicains sont échangés contre un groupe d’allemands capturés dans le Veracruz, du fait d’un accord conclu entre le Président mexicain et le gouvernement allemand. Acclamé par des milliers de réfugiés reconnaissants lors de son retour à Mexico, en avril 1944, le «Schindler mexicain» occupera les fonctions de Ministre extraordinaire et plénipotentiaire au Portugal, en Suède, en Finlande avant de devenir ambassadeur du Mexique à Cuba. Le 15 juillet a eu lieu le dévoilement, en présence des Présidents français et mexicain, des timbres des postes mexicaine et française rendant hommage à Gilberto Bosques.
Michel CAIRE