Visite du Pape à Marseille -Tribune de Me Gérard Blanc : « Faire croire ceux qui doutent et faire douter ceux qui prétendent croire »

La visite du Pape à Marseille n’aura échappé à personne tant elle a mobilisé les énergies, les rues et peut-être également les esprits et les cœurs des marseillais ces derniers jours.

Me Gérard Blanc
Me Gérard Blanc (Photo D.R)

Comme catholique dans le doute, face à une institution secouée de scandales et un fait religieux qui, mondialement et toutes pratiques confondues, semble apporter plus de souffrances que de joie, je dois avouer que j’attendais cette visite avec des sentiments partagés : Le doute du croyant déçu, la fierté du Marseillais voyant sa ville, si diverse, si généreuse mais percluse de difficultés et de pauvreté, accueillir le Saint-Père, et peut être un peu de ce que le Pape lui-même a qualifié de « sécularisme mondain et d’indifférence religieuse ».

J’étais aussi et surtout curieux. Curieux de voir Marseille bruisser, partout autour de moi, de la préparation de cet événement, de son organisation et de sa signification. Il y a quelques mois dans les travées du Vélodrome à l’occasion d’un énième match passable, j’échangeais avec un ami cher, l’une des chevilles ouvrières de cet événement planétaire, et nous galéjions sur ce que pourrait être une messe au Vélodrome, ce temple marseillais de la communion footballistique. La réalité a rattrapé nos délires et si François n’est pas rentré en roue arrière sur le sacrosaint JUMP! de Van Halen, quand le virage s’est mit à prier c’est toute la ville qui s’est enflammée.

On a beaucoup entendu sur certains médias ceux qui se réclament habituellement et bruyamment de leurs racines chrétiennes s’élever contre les prises de paroles marseillaises du Pape, notamment celles sur l’accueil des migrants, nos frères d’humanité, dont le naufrage transforme chaque jour un peu plus notre belle Méditerranée en cimetière marin. Il faut croire que ces pieux hypocrites n’apportent pas à leurs racines beaucoup d’attention et d’amour. Les racines sèches ne fleurissent plus.

C’est bien la preuve que le Pape a secoué les convictions de chacun à Marseille et en France. Il a fait douter ceux qui prétendent croire et peut être croire à nouveau ceux qui doutaient.

Non pas parce qu’il serait comme on l’entend chez certains « trop politique », voire « d’extrême gauche ». Après tout le Pape François n’a fait que répéter chez nous un message du fond des âges, celui de son église, tel qu’il est écrit dans la Bible et que le portait son prédécesseur, plutôt conservateur.

Mais ce message, dit aux pieds de Notre Bonne Mère en communion avec les autres représentants religieux et avec pour témoin nos édiles et la Méditerranée, puis répété chez nous tous au Vélodrome, a trouvé une résonance particulière. Celle de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants, arrivés de partout dans le monde et parvenus à cet état suprême du métissage : être Marseillais. Celle peut-être aussi de centaines de milliers qui, victimes des guerres, du changement climatique et de la pauvreté, aspirent à venir. Et quel plus bel écrin que Marseille pour déposer ce message ? Quel meilleur endroit pour lui faire un accueil chaleureux?

Trop politique cette visite? Je ne crois pas. Il faut rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Ce ne sont pas tant nos institutions ou nos lois que le Saint-Père appelle au changement, ce sont nos cœurs qu’il appelle au tressaillement. C’est notre humanité qu’il appelle au sursaut pour constater ensemble la dignité de chacun.

Un cœur qui tressaille, pour citer son homélie, « C’est le contraire d’un cœur plat, froid, installé dans la vie tranquille, qui se blinde dans l’indifférence et devient imperméable, qui s’endurcit, insensible à toute chose et à tout le monde, même au tragique rejet de la vie humaine qui est aujourd’hui refusée à nombre de personnes qui émigrent, à nombre d’enfants qui ne sont pas encore nés, et à nombre de personnes âgées abandonnées. Un cœur froid et plat traîne la vie de manière mécanique, sans passion, sans élan, sans désir. »Demain à la suite des mots du Pape, la France et l’Europe n’accueilleront pas « toute la misère du monde ». Nos lois sur l’IVG ou sur la fin de vie ne seront pas dictées par la curie romaine. Il l’a constaté lui-même, c’est difficile d’être Pape.

Mais il aura, assurément, rappelé puissamment à qui voulait vraiment entendre, le destin et la dignité de nos frères d’humanité. Un message bienvenu.

 

 

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