Publié le 26 janvier 2016 à 12h37 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 21h37
La CCI Marseille-Provence a décidé d’innover pour ses vœux à la presse, en invitant des poids lourds et des personnages emblématiques de l’économie du territoire, à savoir : l’architecte marseillaise Corinne Vezzoni, lauréate du «Prix de la femme architecte 2015» ; Rodolphe Saade, de CMA-CGM ; Denis Philipon, PDG de voyageprive.com et dirigeant passionné de Provence Rugby Aix-Marseille ; Bernard Bigot, le directeur général d’Iter et Hervé Brailly PDG du laboratoire marseillais Innate Pharma. Ils sont, tour à tour, intervenus et souvent sans pratiquer la langue de bois. Également présents, Johan Bencivenga, le président de l’UPE 13 et Alain Lacroix, président du Top 20.
Jacques Pfister de citer «Keith Richards, auteur de la formule inoubliable : sex, drugs and rock’n’roll» afin de le paraphraser : «Et bien nous, nous vivons « Aix, juges and métropole ». Car nous vivons aujourd’hui un psychodrame politique, juridique et judiciaire pathétique. C’est d’autant plus enrageant que l’on sait que cette métropole est le territoire pertinent pour concurrencer les grandes capitales économiques européennes». Il reconnaîtra cependant par la suite qu’il s’agit de «la métropole la plus dure à construire, avec 6 intercommunalités. Seule celle de Paris est plus complexe et elle ne verra jamais le jour». Il insiste sur le fait qu’il faut réussir la métropole. «C’est notre priorité à la CCI, affirme-t-il, nous sommes les partenaires économiques naturels de la métropole; nous voulons en être acteurs notamment avec la création d’un comité des projets et des investissements piloté par le président de la métropole. Nous serons vigilants au niveau de l’impact de la métropole sur les entreprises et les ressources publiques». La deuxième priorité concerne les entreprises. «Nous devons développer des filières d’excellence et soutenir les grands projets. En 2016 nous porterons une attention particulière au numérique et à la logistique. Nous souhaitons prendre des mesures pour la revitalisation du centre-ville de Marseille en collaboration avec la municipalité. Et, en matière d’attractivité du territoire, nous attacherons une attention particulière au projet du J1. Il pourrait être la synthèse de l’héritage de 2013 et le symbole de l’excellence économique de la métropole». Enfin, la troisième priorité 2016 «sera de déployer la CCI du futur. Nous nous adoptons à la baisse brutale de nos ressources fiscales». Jacques Betbede, le directeur général de la CCI annonce: «Nous devons gérer une réduction de 145 postes» dont la plupart seront «des volontaires». «Cette année, reprend Jacques Pfister, sera celle du déploiement de ce plan de relance autour de trois orientations : la digitalisation de notre offre, la segmentation de nos clients et le renforcement de notre capacité d’intervention sur les grands sujets du développement économique».
Corinne Vezzoni dessine pour sa part «une métropole qui est à la fois monde et proximité. Ici nous ne partons pas d’une ville centre, contrairement aux autres métropoles, mais d’un archipel de plusieurs villes et, entre elles, une nature qu’il s’agit de préserver. Il faut donc stopper le mitage et densifier l’urbain. Il faut permettre aux gens d’habiter à proximité de leur travail et il importe de créer les mobilités de proximité. Et puis, il faut voir comment gérer les franges, là où s’arrête le bâti et où commence la nature, c’est le projet The Camp».
«Je m’en fous de la gouvernance, ce que je veux ce sont des résultats pour notre territoire»
Johan Bencivenga avoue : «Nous attendons avec impatience la décision du Conseil Constitutionnel. Mais, ce qui est certain, c’est que le temps est venu de changer de fonctionnement, de méthode, de génération. J’ai été élu sur un vœux, décloisonner les mondes économique, politique, universitaire mais aussi les générations, les territoires». Il considère que les difficultés relatives à la création de la métropole : «sont culturelles, nous avons un côté clanique dont nous devons sortir». Il précise immédiatement : «Attention, je suis persuadé que nous partageons les mêmes ambitions avec les élus mais nous ne parlons pas la même langue». Puis de lancer : «Moi, je m’en fous de la gouvernance, ce que je veux ce sont des résultats pour notre territoire, une meilleure façon de se déplacer. De même, je suis affligé de voir nos enfants partir faire leurs études à Paris, Londres, Milan, New York… Combien, après, ne reviennent pas». Alain Lacroix souligne pour sa part: «Nous sommes sur un territoire fragmenté, il ne faut pas en plus apporter de la division». Tandis que Bernard Bigot met en exergue Iter: «Notre organisation, c’est une puissance industrielle et de recherche qui regroupe 36 pays qui se sont engagés à travailler ensemble pendant 40 ans. Il s’agit de reproduire sur terre ce qui se produit dans le Soleil et les étoiles, de créer une énergie renouvelable avec de l’hydrogène. Une énergie dont nous pourrons disposer pendant des centaines de millions d’années». Autre domaine d’excellence, c’est Hervé Brailly qui évoque Marseille, capitale de l’immunologie «un fait qui ne date pas d’hier et qui reste d’actualité».
«Il faudrait par exemple pousser plus d’entreprises françaises et étrangères à venir s’installer ici»
Rodolphe Saade parle de CMA-CGM : «Nous pourrions être ailleurs mais mon père est venu voilà 40 ans ici et nous sommes très attachés sur un plan sentimental à cette ville. Nous sommes en train d’acquérir une société à Singapour, dont les activités sont complémentaires avec les nôtres, nous attendons le feu vert des autorités de contrôle de la concurrence. Par ailleurs, nous participons au développement de la start-up Traxens qui nous permettra de suivre nos containers sur toutes les mers. Nous avons un autre projet : transporter des homards vivants entre le Canada et le France. Nous suivons attentivement le dossier The Camp. Enfin, nous avons mis en place la CMA-CGM Académie pour former les collaborateurs du groupe». Puis, il en vient à la métropole : «Il y a d’autres sujets à travailler. Il faudrait par exemple pousser plus d’entreprises françaises et étrangères à venir s’installer ici. Et il faut prendre conscience que le Monde n’est pas ici, il est en dehors de Marseille. Et puis il y a l’aéroport Marseille Provence, ce n’est pas simple de voyager à l’étranger… et même d’aller à Paris».
«French tech : une formidable opportunité et un gros gâchis»
Denis Philipon n’est pas dans le discours politiquement correct. Il évoque la French Tech : «C’est une formidable opportunité et un gros gâchis. Une formidable opportunité car cela part d’un bon sentiment de Fleur Pellerin. Derrière, il y a une énergie positive. Après… Nous avons ici la possibilité de construire une Silicon Valley, j’y ai vécu, alors je peux vraiment dire que nous avons tout pour construire un territoire tourné vers les nouvelles technologies. Sachant qu’au plus le système est concentré, au plus les échanges fertilisent et au plus l’on va vite. Force est de constater que nous avons tardé. Londres et Berlin n’ont pas les mêmes atouts que nous, pourtant 5 000 entreprises sont à Berlin… Il n’est pas trop tard mais il faut aller vite». Il en vient à la métropole : «Il faut arrêter d’opposer les mondes politique et économique. D’autant que nous entrons dans un monde où l’État va de moins en moins intervenir. Il va falloir travailler ensemble, monde économique et politique». Il tient à raconter une anecdote : «Lorsque nous avons pris le Pays d’Aix Rugby Club nous voulions qu’il soit plus fédérateur. En pleine bagarre sur la métropole nous avons souhaité changer le nom du club, l’appeler Provence Rugby Aix-Marseille. Nous avons eu une réunion en Mairie, elle devait durer une heure elle en durera trois. Nous nous sommes expliqués, chacun argumente, pour, contre. Au bout de 1h30 Maryse Joissains Massini tape sur la table affirme que, « oui, il faut changer la marque pour permettre le développement du club et s’appeler Provence-Rugby Aix-Marseille »».
«C’est le facteur social qui permet de créer un pont entre les différents mondes»
Un Denis Philipon qui en vient à la dimension sociale du projet de voyageprive.com : «C’est le facteur social qui permet de créer un pont entre les différents mondes. Nous avons voulu agir en ce domaine, premièrement en accueillant des start-up dans notre incubateur. Deuxièmement? nous sommes dans un quartier dit sensible ce qui nous a conduits à créer la fondation école des XV autour de deux piliers : l’école et le rugby. Provence Rugby accueille les enfants. Ils sont licenciés au club et bénéficient des installations sportives. Ils sont initiés aux règles et valeurs du rugby, à raison de trois entraînements par semaine prodigués par des éducateurs titulaires du diplôme d’État. L’enfant a par ailleurs la possibilité de participer aux manifestations sportives et tournois de l’école de rugby du club « Provence Rugby » pendant la saison. Dans ce contexte, l’enfant rencontre des sportifs de haut niveau, participe à des goûters, des tables rondes, des jeux, des sorties. Il peut s’initier à la musique dans le cadre du festival d’Aix-en-Provence. Autant de moments importants que l’enfant va vivre et qui lui apporteront une ouverture d’esprit indispensable à son évolution future».
Johan Bencivenga conclut en évoquant les élections à la CCI, lors desquelles, grâce à la Loi, au moins 23 femmes seront élues sur 60 postes. «Les élections auront lieu le 20 octobre et le 2 novembre, les listes devant être déposées avant le 23 septembre 2016. nous essaierons d’avoir la totalité du monde économique représentée».
Michel CAIRE