C’est un corps à corps, une empoignade physique et psychique au sein d’un couple. La scène se déroule dans une cuisine. Dans cet univers clos, le texte ciselé d’Ivan Viripaev, taillade le duo, le mitonne.
Une joute infernale
Il est cinq heures du matin, depuis la soirée un couple se bat et se débat. Malgré l’épuisement, il veut s’expliquer jusqu’au bout, dans une joute infernale. Werner et Barbara se sont mariés voilà 7 ans. Le premier parle de crédit soldé et d’une possibilité d’enfant. L’autre, de douleur. C’est l’incompréhension totale. Le combat dure depuis 7 heures déjà. Aucun des adversaires ne peut, ne veut quitter le ring malgré les uppercuts. Il faut aller jusqu’au terme de la bataille, pour essayer de franchir cette ligne que Barbara nomme « la ligne solaire ». Le soleil l’a tracée un matin sur le corps de Werner et l’a scindé en deux parties. C’est une révélation. Elle s’aperçoit qu’elle peut fusionner avec l’une mais que c’est impossible avec l’autre.
La voie de la destruction
Barbara et Werner vont tenter de franchir cette ligne solaire via la destruction. Aurélia Arto et Bruno Blairet sont très convaincants. Deux plans de travail servent tantôt à les réunir ou les séparer. Leur jeu est un subtil mélange d’ambiguïté et d’ironie. Il révèle la complexité des sentiments. Comme en période de rut, ces deux animaux ne se font aucun cadeau. Rien ne peut les détourner de leurs objectifs. Les mots frappent, cognent, tabassent. Chacun veut à la fois partir et rester. Malgré la fatigue, le dégoût, ils s’accrochent au désir de s’expliquer jusqu’au bout de la nuit entre revers liftés et balles coupées.
Happy end
Après cette nuit de lutte, la cuisine n’est plus qu’un espace dévasté. Mais à l’arrière-plan un ruban lumineux blanc se déploie. Grâce à lui le couple va parvenir à entrer en contact. Le lutte infernale pour franchir la « ligne solaire » qui sépare les deux êtres cesse. Progressivement le chemin s’ouvre vers l’autre. Les ressorts enfouis de l’amour dépassent les impasses du couple. L’amour est régénéré au cœur du théâtre.
Joël BARCY
«La Ligne solaire» d’Ivan Viripaev, dans une mise en scène Clément Poirée.