Vu dans le Off Avignon. « Vive » une pièce salutaire pour échapper à la prédation des pédophiles

La petite Anaïs Lacascade, 7 ans récite fièrement des vers de La Fontaine à son papa, un chef étoilé, quand soudain, sa main remonte sur sa cuisse. Vingt ans plus tard, l’adulte, devenue une cheffe prometteuse, accuse Louis Lacascade, de l’avoir abusée sexuellement de 7 à 14 ans.

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©Julie Cherki

 Des victimes murées dans le silence

 La pièce est une fiction basée sur un solide travail documentaire. Les chiffres sont glaçants. Un enfant sur 10 est victime d’inceste. « Un crime de masse », dénonce l’avocat de la défense. Le public intègre cette cour de justice qui se transforme au gré des scènes et raconte la vie d’Anaïs, de la jeune enfant violée jusqu’au procès de son père. Hermine Dos Santos (Anaïs) incarne magnifiquement tous les rôles, de l’enfance à l’adolescence jusqu’à la plainte contre son géniteur. Joséphine Chaffin et Clément Carabédian ont opté pour un dispositif scénique quadri frontal. Le public est intégré dans l’arène de la justice. «Cela nous tenait à cœur de faire un spectacle pour un public transgénérationnel » confie l’auteure, Joséphine Chaffin. « Il y a tout un système immense, sur lequel notre société est bâtie, à déconstruire. L’angle que l’on a choisie c’est d’essayer de comprendre pourquoi, dans ces affaires de violences sexuelles faites aux enfants, le silence est particulièrement fabriqué autour des victimes avec plusieurs strates : l’agresseur, le clan, la société? Elles sont enfermées là-dedans et c’est un parcours du combattant, il faut parfois des décennies voire toute une vie pour en sortir et réussir à dénoncer les abus qu’elles ont subis».

L’inceste est le pire

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©Julie Cherki

 Tout au long d’un procès d’assises, où famille, proviseure et psychiatre sont convoqués, l’enfance et l’adolescence d’Anaïs se dévoilent. Anaïs se retrouve peu à peu isolée, coupée de ses refuges : sa mère, son grand-père… Elle devient boulimique, agressive, mutique. L’inceste est scellé par le silence. Pour l’auteure, dans l’échelle des viols d’enfants, l’inceste est certainement le plus traumatisant.  «Au niveau des violences pédocriminelles, les enfants victimes d’inceste sont dans la pire des situations. C’est douloureux pour un enfant de dénoncer un adulte qu’il aime et qui s’occupe de lui depuis toujours. C’est compliqué ces violences-là parce que la domination est intrinsèquement mêlée à l’amour et au soin. C’est pour cela que les victimes mettent aussi longtemps à parler car qu’elles feront exploser le cadre familial. Elles savent qu’elles vont détruire la famille et c’est une honte, une culpabilité qui sont extrêmement violentes et qui rajoute un poids aux victimes ».

Un élément déclencheur

 Il faudra le décès de son grand-père et la lecture d’une lettre qu’il a laissée pour qu’Anaïs découvre que les terribles non-dits et les violences sexuelles sont transmises de génération en génération au sein de sa famille. Il faut stopper cette lignée du silence, reprendre la parole, témoigner, fut-ce contre son père.  Sa survie en dépend. Après ce long cheminement, Anaïs renoue enfin avec la vive enfant qu’elle était. L’agneau échappe à l’emprise carnassière du loup.

Un spectacle tous publics

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©Julie Cherki

Donner des armes, c’est la mission que s’est assignée la compagnie Superlune. « Dans la mesure où on veut que ce spectacle soit joué partout il fallait un dispositif scénique très adaptable. On joue dans les théâtres, mais aussi dans les collèges, les salles polyvalentes, les lycées. Le dispositif quadri frontal fonctionne encore mieux dans les classes car les jeunes sont au cœur du spectacle et au cœur du problème. Cela s’accompagne d’un travail avec l’assistante sociale et l’infirmière scolaire en amont ». L’idée pour Joséphine Chaffin est que la pièce serve de révélateur pour certains jeunes. « Statistiquement on sait que c’est souvent quand il y a des éléments déclencheurs, comme des spectacles, des documentaires que la parole se libère. Dans chaque classe, deux à trois jeunes ont en moyenne été victimes de violences sexuelles donc on est quasiment sûr que ce spectacle a un impact et que des ados se confient ensuite aux responsables des établissements ». Un spectacle finalement d’utilité publique ».

Reportage Joël Barcy

 « Vive » est une pièce de la Compagnie Superlune

 

 

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