Le journaliste Jean-Benoît Vion propose chaque lundi une lettre qu’il adresse à l’un des candidats aux municipales de Marseille. A tout seigneur, tout honneur, il a ouvert cette rubrique épistolaire par une missive adressée au sénateur-maire UMP, Jean-Claude Gaudin; puis, au député-maire socialiste du 1er secteur Patrick Mennucci; à Stéphane Ravier , tête de liste du Front national; à Jean-Marc Coppola, tête de liste du Front de gauche; à la candidate PRG à sa succession dans les 2/3, Lisette Narducci. Ce lundi, sa prose est destinée à Dominique Tian député-maire UMP des 6/8 qui se présente dans les 1/7.
Destimed
Cher Monsieur le député-maire Dominique Tian,
Puis-je me permettre de vous envoyer cette courte missive en ce début d’année qui sera rude et particulièrement délicat pour vous. Vous êtes un homme toujours souriant, agréable, avenant, proche des autres. Lorsque l’on vous voit sur le Vieux-Port, j’ai envie de partir faire le « vire-vire » sur votre voilier. Vous êtes un très bon navigateur mais pour ces élections municipales, il va falloir « hisser la grand-voile», me dit-on mais «il peut prendre la baume dans la tête… ».
Vous aimez Marseille plus que tout, seulement voilà, je ne comprends pas pourquoi vous vous présentez dans les 1er et 7e arrondissements de Marseille. Pourquoi un tel sacrifice ? Pourquoi une telle abstinence ? Pourquoi tant de résignation ?
Monsieur Tian, vous êtes élu dans le 4e secteur (le 6-8) depuis l’élection de Jean-Claude Gaudin en 1995. Vous êtes élu député depuis Juillet 2002. Vous avez tout pour être heureux. Je pensais que vous alliez gérer vos deux mandats «tranquille pépère» selon l’expression des marins marseillais. Mais, vous êtes un excellent soldat. Vous obéissez aux ordres de vos chefs même si parfois vous bougonnez.
Lorsque Jean-Claude Gaudin et ses proches vous ont annoncé: « Cher Dominique, il serait bon de monter au front contre Mennucci… ». Vous avez répondu: « Je suis bien ici, dans les 6/8, je n’éprouve pas le besoin d’aller au combat contre un homme qui va me rendre une vie impossible et une campagne difficile ». Comme vous êtes reconnaissant et surtout fidèle en amitié, vous avez dit oui. Ce n’est qu’une petite idée du dialogue que vous avez eu avec le maire et ses amis. C’est sans aucun doute une invention de ma part, bien entendu.
Tout de même, pour vous écrire cette lettre, j’ai rencontré quelques-uns de vos adversaires et de vos amis politiques. Ils sont tous unanimes, vous avez les défauts de vos qualités. C’est surprenant. Ils reconnaissent tous que vous êtes un travailleur exceptionnel.Et à l’assemblée Nationale, vous êtes omniprésent avec vos dossiers sur le Tibet ou encore vos amendements sur l’AME (l’aide médicale d’État).
Votre combat dans les semaines qui viennent est bien différent. Vous jouez gros pour votre avenir politique à Marseille. Si vous battez Mennucci, vous serez un héros, le numéro 2 tout désigné si Jean Claude Gaudin est réélu. Si vous êtes battu, vous serez toujours l’homme qui a cédé son fauteuil à celui que vos amis politiques surnomment en cachette « le chouchou ». Il s’agit d’Yves Moraine, un homme de grands talents et qui a une ambition que vous pouvez aisément comprendre. Vos très proches monsieur Tian, vous reprochent d’être trop tendre, trop sympathique, bref vous n’êtes pas un tueur et, en politique cela peut être un handicap.
Par ailleurs, permettez-moi de vous demander s’il est très utile de survendre un super champion, Frederick Bousquet, sur votre liste. Certes, il est beau, costaud, très intelligent mais tous les anciens élus vous diront qu’une star, aussi populaire soit-elle, n’a jamais fait gagner une élection. Mais c’est une merveilleuse recrue. (Appelez-moi, j’ai commencé ma première campagne électorale en suivant comme jeune journaliste en 1981 Georges Marchais. Et croyez-moi, il avait des stars autour de lui et du parti et, Il les méprisait…)
Mon ami Claudius qui votent dans le 1er arrondissement me disait sans rire: «Je vais voter pour Tian mais ce n’est pas Bousquet qui va lui faire sortir la tête de l’eau. Face à la baleine Mennucci, Tian n’est encore qu’un dauphin».
Cher monsieur Tian, vous avez beaucoup d’amis, mais prenez garde car les mauvais coups peuvent venir de toutes parts en ces périodes d’élections passionnantes mais impitoyables.
Ce dimanche, pour la fête de la chandeleur à Saint-Victor, au sortir de la messe, Jean-Claude Gaudin aux côtés de Mennucci a rappelé cette phrase de l’Évangile : «Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus... »
Respectueusement Vôtre
Jean-Benoît VION